Les Chroniques de Poulet Pou : florilège de fin d’année, esprit de Noël camarade : Dossier 137, Kontinental’25, Aimer perdre, Histoires de la bonne vallée, Dites-lui que je l’aime.

1. Dossier 137 (Moll, 2025).

IGPN vs. ACAB, AKA en un combat douteux. Je n’en attendais rien et j’ai été conquis. Fluidité, rigueur, émotion, le spectateur est captivé du début à la fin. Contrairement à ce qui se passe dans Vie privée, Léa Drucker campe une professionnelle qui fait très bien son boulot — y compris quand elle s’autorise deux-trois trucs en dehors des clous —, hélas ça ne sert à rien. C’est à la victime des violences policières que la conclusion échoit, classe. Deux remarques hors-sujet, petit a, logique du cinoche, la star doit avoir pour ex-mari une star, apparition du rare Stanislas Merhar — figurez-vous que je vais le voir au théâtre prochainement. Petit b, ce Dossier-ci a comme numéro un nombre premier, contrairement au Dossier 51 de Deville.

2. Kontinental ’25 (Jude, 2025).

Passion remake, ici celui d’Europe 51 de Rossellini. Plus ou moins, car contrairement à ce qui arrivait à Ingrid Bergman chez RR, de nos jours l’illumination est refusée à la bourgeoise confrontée à la misère du monde. Elle ne peut que se sentir coupable et douter, avant de se résigner à partir tout de même en vacances. Après une étonnante introduction dans une forêt peuplée de dinosaures en plastique, suivie par une épouvantable scène de pendaison hors-champ, le film prend un tour austère — stations-dialogues immuablement infructueux —, et c’est top. La source du Mal est identifiée, il s’agit des promoteurs immobiliers — dans le récent Arbre de la connaissance d’Eugène Green c’était le tourisme, mais il y avait les mêmes plans dénonçant l’urbanisation ubuesque de la ville, là Lisbonne, ici Cluj. Comme dans L’Affaire Thomas Crown de McTiernan, les Roumains sont germanophones, mais sinon nettement moins patibulaires et cliché. L’actrice Eszter Tompa selon l’expression consacrée porte le film sur ses épaules, elle est top.

3. Aimer perdre (Guit, 2025).

Charlot reboot. Je veux dire, l’immortel personnage du Tramp de Chaplin est actualisé dans une version féminine et pas sympa de crevarde moderne. La personne chère à mon cœur regrette que l’héroïne 100% nihiliste soit si peu aimable, mais en ce qui me concerne j’ai trouvé super. Il faut dire que comme les films de CC c’est aussi subversif que très drôle.

4. Histoires de la bonne vallée (Guerín, 2025).

Docutopies. Paysages et portraits d’un faubourg de Barcelone, sorte de western — il y a du reste des Indiens, mais d’Asie —, où les habitants bigarrés aux maisons biscornues et potagers bichonnés sont encerclés de toutes parts, par le canal, la voie ferrée, l’autoroute et enfin les méchants. Qui sont-ils, ceux-là, eh bien, comme souvent, cf. les derniers films d’Eugène Green et Radu Jude, il s’agit des promoteurs immobiliers. Le film ne cherche pas à cacher les mises en scène qu’il organise autour de ceux qu’il entend observer, c’est un peu angélique mais les réserves sont vite balayées parce que d’une, c’est plastiquement très beau, et de deux, c’est très sensible. De trois, un feelgood movie fouriériste de temps en temps ça fait du bien, esprit de Noël camarade.

5. Dites-lui que je l’aime (Bohringer, 2025).

Evil mothers. Romane Bohringer et Clémentine Autain ont deux points communs, de remarquables grains de beauté sur le visage et des mauvaises mères trop tôt décédées. C’est du second item que traite le film, obviously. C’est dur et continûment émouvant, même si la fin happy-end — celle du livre d’Autain, semble-t-il —, où la progéniture abîmée semble parvenir à surmonter le traumatisme et pardonner, sonne un peu forcée. Autre réserve, malgré le cœur de pierre qui est le nôtre, nul besoin de nous abreuver en permanence de musique d’ambiance pour qu’on daigne ressentir un affect. C’est même contre-productif, cependant bénin devant la force de l’ensemble. Et ça s’accorde au fond avec l’agréable impureté sans chichis de la chose, dont la séquence série Z au générique de fin, qu’on imagine là pour faire plaisir au fils préado de Bohringer, est la cerise sur le gâteau.