Gladiator II : l’Empire du mâle

On avait laissé Ridley Scott sur les traces de Kubrick, s’enferrant dans la débâcle Napoléon. Depuis quelques temps, lors de cette dernière décennie, on le sent avide de revisiter progressivement les grands succès de sa filmographie, avec plus ou moins de succès : Duellistes (Le Dernier Duel), Alien (Prometheus, Alien : Covenant), Blade Runner (Blade Runner 2049, même s’il n’a fait que produire, laissant les rênes à Denis Villeneuve), c’est aujourd’hui au tour de Gladiator de connaître sa cure de jouvence avec Gladiator II. Rappelons qu’en 2000, Gladiator avait connu un succès-surprise pharamineux en relançant la vogue du péplum et glanant au passage cinq Oscars à la stupéfaction générale. Presque 25 ans plus tard, on reprend ceux qui ont survécu dans l’histoire (Connie Nielsen, Derek Jacobi, Djimon Hounsou) et on recommence, en alternant sous l’influence de Game of Thrones (cf. Pedro Pascal), les scènes de dialogues politiques et les séquences de combats de gladiateurs.

Quinze ans après les événements du premier Gladiator, vers 211 après Jésus-Christ, Hanno et sa femme Arisha coulent des jours paisibles en Numidie. Malheureusement Geta et Caracalla les deux co-Empereurs romains lancent une invasion de la Numidie par les mers, commandée par le général Acacius. Celle-ci réussit et sépare les deux époux : Arisha est tuée par une flèche d’Acacius tandis que Hanno est emmené comme prisonnier sur une galère à destination de Rome pour devenir gladiateur. Il sera confronté à ses origines et son identité et devra à chaque combat gagner pour pouvoir un jour quitter le statut d’esclave.

Ridley Scott toujours aux commandes, seuls ses collaborateurs ont un peu changé : David Scarpa qui officiait déjà sur Tout l’argent du monde et Napoléon remplace David Franzoni ; Harry Gregson-Williams en fait de même pour Hans Zimmer. Au fur et à mesure de Gladiator II, on s’apercevra que Ridley Scott bénéficie pour ce nouvel opus des progrès de la technologie numérique : là où les figurants n’étaient que des ombres figuratives, de simples silhouettes dans Gladiator, ils sont montrés de manière plus crédible dans cette suite. Paradoxalement, ce détail montre que Gladiator II est plus réussi techniquement et efficace mais aussi plus mécanique, scénaristiquement, dans son alternance de scènes de manipulation politique (Denzel Washington y brille de mille feux, ne permettant pas au spectateur de se faire un avis tranché sur son personnage, avant la dernière demi-heure) et de combats furibards. Car si Gladiator II est par la force des choses plus prévisible (même si la fin est notablement différente de celle du premier), l’impression la plus importante, c’est que Ridley Scott continue à s’amuser à mettre en scène des combats enragés, son film faisant preuve d’une vigueur qui dément son âge avancé (86 ans).

Alors, certes la crédibilité historique n’est pas le point fort du film mais cela fait partie des conventions du péplum. Les Empereurs Geta et Caracalla ont réellement existé mais n’ont pas eu exactement le destin décrit dans le film de Scott. Idem pour Macrinus (sic!), le personnage de Denzel Washington, qui, dans l’histoire romaine, s’est installé pendant un an à la tête de l’Empire Romain. Peu importe, ce qui s’avérait très choquant dans Napoléon l’est beaucoup moins dans le cadre du péplum qui s’assume comme une réinvention de l’histoire de l’Antiquité gréco-romaine. De même, les personnages de femmes, Arisha et Lucilla, sont sacrifiés dans tous les sens du terme dans Gladiator II mais cela appartient aux codes du péplum qui a toujours représenté une épopée viriliste qui chante les louanges du mâle, de son courage et de sa force physique impressionnante (Paul Mescal, très convaincant dans cet emploi, loin du homo-érotisme de Aftersun et Sans jamais nous connaître). Une version féministe à la Thelma et Louise du péplum ne semble pas encore à l’ordre du jour.

Dans son cadre et ses limites, Gladiator II s’avère un bon divertissement calibré et efficace qui s’impose davantage par ses scènes d’action barbares que par ses scènes dialoguées plus attentistes, n’atteignant pas le niveau de sophistication machiavélique de Game of Thrones. Le film fonctionne essentiellement grâce au tandem Paul Mescal/Denzel Washington qui instaure une dualité différente de celle qui existait entre Russel Crowe et Joaquin Phoenix. Un peu de souffle lyrique et de poésie se sont malgré tout un peu envolés par rapport au premier, malgré la présence vocale toujours persistante de Lisa Gerrard. Même si l’on peut légitimement cultiver des réserves sur le style cinématographique de Ridley Scott, constitué de ralentis ostentatoires, d’inserts sanglants et d’effets allégrement gratuits, il serait injuste de ne pas constater que Ridley Scott, même s’il n’a certainement pas révolutionné le cinéma de la même manière qu’un Kubrick, a au moins contribué à créer des classiques dans trois genres : le fantastique (Alien), la science-fiction (Blade Runner) et le péplum (Gladiator). A 86 ans, il garde la rage et l’envie d’en découdre, tel un Gladiator dans l’arène, ce qui demeure plus que méritoire.

3.5

RÉALISATEUR : Ridley Scott 
NATIONALITÉ :  britannique, américaine
GENRE : péplum, action, drame 
AVEC : Paul Mescal, Denzel Washington, Connie Nielsen, Pedro Pascal, Joseph Quinn, Fred Hechinger
DURÉE : 2h30 
DISTRIBUTEUR : Paramount Pictures France 
SORTIE LE 13 novembre 2024