Les Chroniques de Poulet Pou : retour sur Le Règne animal et Le Procès Goldman. Insect politics

Insect politics. Vous aurez capté la référence à La Mouche. Une raison en est que Le Règne animal lui emprunte la scène dégueu dite ‘’de l’ongle’’, mais pas que. Règne et Procès inventorient en détail, façon entomologiste, le fonctionnement — et les dysfonctionnements — de l’État de droit. Et pour cela, quoi de mieux que de regarder comment ça se passe en cas de crise. Une crise sanitaire de science-fiction pour le premier, la reconstitution (romancée) du procès d’un rebelle pour le second. Les deux films indiquent que la tentation du tout répressif n’est jamais loin, mais semblent garder foi en l’homme, en montrant que les institutions ne seraient qu’un cadre vide de sens, et inhumain, sans l’amour d’un père pour son fils — Le Règne est aussi (surtout ?) un coming-of-age movie dont le héros se prénomme Émile, coucou Jean-Jacques, non l’autre JJ. Ou sans la fraternité qui lie Georges Kiejman à son client — Pierre Goldman demi-frère de JJ, l’autre autre.

Je ne sais pas si vous m’avez bien suivi, quoi qu’il en soit, est-ce parce que je les ai vus dans la même journée que les deux m’ont semblé plus avoir à voir que je ne l’aurais cru, allez savoir. Amusant de constater que l’un et l’autre commencent par des gens en retard à un rendez-vous. Ici, un véhicule coincé dans les bouchons, dont on verra ensuite la course folle vers une hypothétique liberté. Là, un avocat qui se hâte dans les rues de Paris, avant d’être bientôt enfermé dans l’enceinte sacrée du tribunal. Vous ne serez peut-être pas surpris d’apprendre que mon goût personnel me porte du côté de la rigueur de la mise en scène des talking heads de Kahn, plutôt que vers le maximalisme parfois maladroit de Cailley. Goût personnel, la BO du Règne, quoique atypique, m’a incommodé, de même que sa construction par séquences à effet, quasi indépendantes les unes des autres. M’ont paru plus efficients le silence entre les discours — étonnant de voir à quel point ces derniers sont plus solides que ceux d’Anatomie d’une chute, le niveau de rhétorique ayant changé avec l’époque—, les ellipses et les discrètes brisures spatiales du Procès. Le goût personnel s’efface cependant dans le souvenir. C’est un troisième film qui surgit soudain, celui mental reconstruit dans le cerveau du spectateur, chimère à tête de magistrat et corps de bestiole CGI. Allez donc voir les deux.