Le Règne animal : la question humaine

Dans le paysage du cinéma français, une nouvelle génération s’empare manifestement du pouvoir, inspirée par le cinéma de genre (fantastique, horreur, science-fiction). Julia Ducournau (Grave, Titane), Hubert Charuel (Petit Paysan), les frères Boukherma (Teddy), en sont les dernières révélations. Thomas Cailley participe aussi de ce mouvement qui n’en est pas véritablement un, ayant consacré trois de ses oeuvres (en comptant la série Ad Vitam produite par Arte) à un avenir assez sombre, marqué par le survivalisme, la dépression et la mutation génétique. Le Règne animal est ainsi un film assez ambitieux qui brasse nombre de thèmes dans l’air du temps et convainc par son atmosphère vénéneuse.

Les premières mutations de l’homme vers l’animal sont apparues. Deux ans plus tard, la société s’est adaptée à cette évolution qui affecte tous types d’individus. Ces créatures se font suivre et soigner dans des centres spécialisés. Dans un monde en proie à une vague de mutations qui transforment peu à peu certains humains en animaux, François fait tout pour sauver sa femme, touchée par ce mal mystérieux. ​ Alors que la région se peuple de créatures d’un nouveau genre, il embarque Emile, leur fils de 16 ans, dans une quête qui bouleversera à jamais leur existence. Lorsqu’un jour, un convoi est victime d’un accident, certains êtres parviennent à s’enfuir dans la nature. François et Emile sont à la recherche de la mère de l’enfant, qui était dans le convoi accidenté. Ils sont aidés dans leur entreprise par une policière.

Avec son deuxième film, Thomas Cailley s’impose dans le cousinage de Julia Ducournau, ses thèmes s’inspirant également de ceux de David Cronenberg, mélangeant comme dans Grave body horror et teen movie. Il n’hésite pas non plus à recourir à l’humour de la comédie potache, tout comme au polar rural, via le personnage de gendarmette incarné avec sérieux et conviction par Adèle Exarchopoulos. Le Règne animal est par conséquent un film qui revendique une certaine ambition ainsi qu’une réelle diversité de thèmes et de genres. Néanmoins, s’il s’avère assez efficace dans le registre du fantastique, voire aussi dans le teen movie, il pèche un peu en s’éparpillant trop entre diverses directions. On aurait peut-être apprécié davantage d’approfondissement et de réflexion dans les thèmes passionnants du film, entre l’atavisme animal et l’avenir du genre humain. Défaut mineur mais réel qui l’empêche, en dépit de sa grande tenue, de rejoindre les classiques du genre.

Le Règne animal convainc surtout par son atmosphère et certains détails de mise en scène, un amour partagé par un cri humain et un autre animal, des scènes de poursuites dans la forêt qui rappellent bizarrement le diptyque Jurassic Park de Steven Spielberg. Dans sa métamorphose quasi kafkaïenne, Paul Kircher, révélé par Le Lycéen de Christophe Honoré, fait merveille, à la fois innocent et monstrueux. Le film pose avec justesse la question du devenir-animal qui existe en chaque homme, en laissant planer le mystère du devenir de l’humanité. Une quête inquiétante et tétanisante qui constitue tout le prix du long-métrage de Thomas Cailley, sur qui il faudra compter pour nous emmener sur des rivages insoupçonnés.

3.5

RÉALISATEUR :   Thomas Cailley
NATIONALITÉ : française 
GENRE :  fantastique, science-fiction, aventure, drame 
AVEC : Romain Duris, Paul Kircher, Adèle Exarchopoulos 
DURÉE : 2h10 
DISTRIBUTEUR : StudioCanal 
SORTIE LE 4 octobre 2023