Au départ, publiée à compte d’auteur, de 2013 à 2022, Freida McFadden, médecin spécialisée dans les lésions mentales, a touché le jackpot en publiant pour la première fois dans une maison d’édition, La Femme de ménage, thriller psychologique et best-seller international, Fatalement, étant donné le succès, l’adaptation cinématographique ne s’est pas fait attendre et débarque sur les écrans trois ans plus tard, soutenue par ses actrices Sydney Sweeney et Amanda Seyfried, productrices déléguées. On croit d’abord avoir affaire à une version remise au goût du jour de La Main sur le berceau de Curtis Hanson ou JF partagerait appartement de Barbet Schroeder, inversant les polarités du Bien et du Mal, avant de s’apercevoir que cet aspect de thriller à la limite de l’horrifique sert essentiellement à masquer une dénonciation de la masculinité toxique et un hymne à la sororité retrouvée.
Millie, une détenue libérée après dix ans de prison et sans emploi, parvient à se faire embaucher comme employée de maison dans une riche famille new-yorkaise. Cette nouvelle situation, où elle est à la fois femme de ménage, cuisinière et accompagnatrice de la fille de la famille, lui paraît tout d’abord être une chance formidable, avant que sa très aimable patronne, Madame Winchester, ne se révèle finalement instable et toxique. La bienveillance de son époux, « d’une beauté dévastatrice », permet à Millie de supporter la situation et de surmonter les rumeurs selon lesquelles sa patronne aurait tenté de noyer sa propre fille, mais son malaise s’accroît lorsqu’elle découvre que la chambre qu’on lui a allouée ne ferme que de l’extérieur.
Cet aspect de thriller à la limite de l’horrifique sert essentiellement à masquer une dénonciation de la masculinité toxique et un hymne à la sororité retrouvée.
A l’énoncé du synopsis et au vu de l’affiche, on se croirait téléporté au temps des années 90 où étaient particulièrement en vogue des thrillers mettant en scène des jeunes femmes avec des substitutions de rôles. Peu subtils mais redoutablement efficaces, La Main sur le berceau et JF partagerait appartement exposaient en effet des femmes qui finissaient par s’entre-déchirer dans des affrontements qui tournaient au Grand-Guignol. Une maison, une grande bourgeoise, une domestique, tout semble prêt pour une énième démonstration de thriller psychologique. Néanmoins, cette fois-ci, la femme de ménage paraît être la petite oie blanche innocente (pas tant que cela, finalement…) et la maîtresse de maison celle qui va la martyriser et la sadiser.
Le film est raconté du point de vue de la domestique, ce qui permet une identification totale au personnage de Sydney Sweeney et aux brimades et manipulations qu’elle subit de la part de celle qui l’a engagée, qui semble, pour sa part, dans un état psychologique instable et dangereux pour ses proches. Cette narration bascule vers le milieu du film où [ATTENTION SPOILERS] toutes les manoeuvres de Nina, la maîtresse de maison, font partie d’une immense machination destinée à se venger et se libérer d’Andrew, son mari, véritable tyran domestique sous ses faux airs de charmeur impénitent. De son côté, Millie a également souffert en raison des hommes, car, avant d’être engagée comme femme de ménage, elle a dû purger une peine de prison, étant venue au secours d’une colocataire victime d’un violeur.
C’est donc alors Nina qui prend le contrôle de la narration pour nous délivrer sa version des faits, avant que l’on ne revienne au présent. Ces multiples retournements de situation et flash-backs intempestifs représentent, avec la performance des actrices, le principal intérêt du film. Malheureusement Paul Feig croit bon de nous asséner l’enchaînement de ces situations avec la subtilité d’un marteau-piqueur, la musique annonçant avec un temps d’avance ce qui va se dérouler. On ne saurait mettre en doute les bonnes intentions de Paul Feig qui a déjà montré à l’écran ses convictions féministes (Mes Meilleures ennemies, L’Ombre d’Emily finalement assez similaire). Cependant, dépourvu de finesse de style et se rabattant sur des procédés standards, il est constamment surévalué depuis une bonne dizaine d’années par une presse intello qui semble lui prêter des qualités qu’on ne saurait voir. Il serait difficile de vanter dans La Femme de ménage la subtilité de la mise en scène de Paul Feig qui laisse plutôt apparaître ses grosses ficelles au détour de la plupart de ses plans, avec quelques aspects peu ragoûtants à la Saw.
Après avoir suivi un cours de féminisme accéléré avec Barbie, le spectateur bénéficie avec La Femme de ménage d’une contre-leçon de masculinisme toxique appliqué. Certes, l’avantage par rapport aux années 90, c’est que les femmes ne se font plus la guerre (du moins à la fin) et se réconcilient sur le corps du masculinisme toxique. Ce sont donc les actrices qui tirent véritablement leur épingle de ce film un peu bourrin, n’hésitant pas à appuyer lourdement sur la caricature du masculinisme : Amanda Seyfried qui connaît une belle maturité d’actrice, et surtout Sydney Sweeney (Euphoria) qui prouve une nouvelle fois, après Reality, qu’elle peut jouer de bien autre chose que de ses avantages évidents.
RÉALISATEUR : Paul Feig
NATIONALITÉ : américaine
GENRE : thriller psychologique
AVEC : Sydney Sweeney, Amanda Seyfried, Brandon Sklenar
DURÉE : 2h11
DISTRIBUTEUR : Metropolitan FilmExport
SORTIE LE 24 décembre 2025


