En juin 2017, Reality Winner, (c’est contrairement aux apparences un vrai nom et non un pseudonyme), une jeune femme ordinaire de vingt-cinq ans, est interrogée par deux agents du FBI devant chez elle, puis à son domicile. On s’apercevra progressivement qu’elle est soupçonnée d’avoir rendu public un document confidentiel qui prouverait l’ingérence du gouvernement russe dans l’élection présidentielle américaine de 2016, ayant donné comme vainqueur Donald Trump. C’est le point de départ d’un film étonnant qui a pour origine des faits réels dont un véritable interrogatoire du FBI. Cet interrogatoire a été retranscrit intégralement en pièce de théâtre. Is this a room, par Tina Satter, artiste new-yorkaise. C’est d’ailleurs elle-même qui réalise le film, adapté de sa pièce, production HBO, tout comme l’était un certain Elephant de Gus Van Sant.
Le 3 juin 2017, Reality Winner, vingt-cinq ans, est interrogée par deux agents du FBI à son domicile. Cette conversation d’apparence banale parfois surréaliste, dont chaque dialogue est tiré de l’authentique transcription de l’interrogatoire, brosse le portrait complexe d’une milléniale américaine, vétérane de l’US Air Force, professeure de yoga, qui aime les animaux, les voyages et partager des photos sur les réseaux sociaux. Pourquoi le FBI s’intéresse-t-il à elle ? Qui est vraiment Reality ?
Reality est avant tout un film sur les techniques d’interrogatoire et la manière dont les choses peuvent déraper au détour d’un mot ou d’une tournure de phrase.
Après les témoignages de Edward Snowden et Chelsea Manning, la thématique des lanceurs d’alerte se trouve particulièrement en vogue. Reality Winner fait partie de ce groupe de délinquants hors norme qui divulguent la vérité au nom d’un intérêt public supérieur à la loi. Le film se montre assez habile pour présenter la situation de manière anodine, par des conversations banales sur les chiens et les chats, montrant comment les agents du FBI s’y prennent pour amadouer leur proie et lui faire baisser sa garde. Reality est avant tout un film sur les techniques d’interrogatoire et la manière dont les choses peuvent déraper au détour d’un mot ou d’une tournure de phrase. En cela, le film s’avère plutôt réussi, le spectateur attendant la faille par laquelle les agents du FBI vont pouvoir s’infiltrer, sans pour autant élever la voix ni effectuer la moindre démonstration de violence. Il se repose surtout sur la performance de Sydney Sweeney qui prouve que l’étendue de son talent ne se résume pas, loin de là, à un tour de poitrine devenu presque légendaire depuis sa participation à la série Euphoria qui en a fait une actrice tendance parmi la jeune génération. Elle se montre ici d’une grande sobriété, toute en nuances, incarnant une citoyenne de notre temps, à la fois indécise et convaincue.
Coté mise en scène, Tina Satter explore par des inserts, des flash-backs et des jump cuts la façon dont Reality vit une réalité diffractée qui reconstitue peu à peu son passé sous ses yeux. Les échanges dialogués sont menés de manière tranquille et sereine, tant la réalisatrice est certaine de la qualité de son matériau. Néanmoins, un léger bémol atténue la qualité du film : pourquoi avoir utilisé à outrance les enregistrements audio de la véritable Reality Winner ainsi que ses photos et publications sur les réseaux sociaux, ce qui nous fait sortir régulièrement du film, puisque brisant la convention de la fiction? En effet, que ce soit sur les photos ou les enregistrements audio, Reality ne ressemble pas vraiment à Sydney Sweeney, la réalisatrice opérant ainsi un mélange entre la fiction et le documentaire qui nuit quelque peu à l’histoire à laquelle elle veut nous faire croire. Trop de rappels de la réalité nuit à la réalité.
RÉALISATEUR : Tina Satter NATIONALITÉ : américaine GENRE : drame, biopic AVEC : Sydney Sweeney, Josh Hamilton, Merchant Davis DURÉE : 1h22 DISTRIBUTEUR : Metropolitan FilmExport SORTIE LE 16 août 2023