S’inscrivant dans une veine cinématographique actuelle très à la mode, à savoir la biographie filmée (avec plus ou moins de réussite) d’artistes célèbres, Better Man s’avère être une bonne surprise et une proposition de cinéma assez intéressante.
Le film explore l’ascension du célèbre chanteur/compositeur britannique Robbie Williams. Devenu une star avec le boys band Take That dans les années 1990, ce dernier a peu à peu plongé dans les paradis artificiels avant de retrouver le succès en solo en 1997 avec la chanson « Angels ».
Il faut bien avouer que ce projet pouvait laisser craindre le pire, d’abord du fait de la réalisation confiée à Michael Gracey, auteur de l’atroce The Greatest Showman (2018). Ensuite, si l’on constate avec objectivité la qualité de certains biopics sortis récemment : les très ratés One Love (sur Bob Marley), House of Gucci, Bohemian Rhapsody sur Freddie Mercury, leader du groupe Queen ou les maladroits Simone, le voyage du siècle et Monsieur Aznavour. Better Man semblait condamné à ne s’adresser qu’en priorité aux fans inconditionnels de Robert Peter Williams, né en 1974, et devenu une icône de la pop culture. Le résultat est, finalement, tout le contraire. La surprise vient surtout du choix opéré dans la façon de représenter le personnage central de l’histoire, de son adolescence à son statut de star : un corps d’humain avec une tête de chimpanzé numérique, qui, indéniablement, fait penser aux derniers épisodes de La Planète des singes (c’est le danseur et acteur Jonno Davies qui donne corps au personnage en performance capture). On en comprend assez vite l’intérêt : montrer de façon originale (mais appuyée tout de même) ce sentiment d’être différent des autres, et donc un certain malaise qui animait Robbie dès son enfance tout comme sa singularité portée vers un certain cabotinage, également une envie de spectacle. On reste assez dubitatif, au départ, et même un peu gêné dans la mesure où, par la force des choses (c’est le concept même du film), c’est le seul personnage à être traité de la sorte. Mais l’une des forces du long métrage, c’est de nous y habituer progressivement jusqu’à ne plus vraiment le remarquer, ce qui constitue un joli tour de force.
Du côté de la construction du récit, pas de grandes innovations, Better Man étant sur ce point relativement classique.
Du côté de la construction du récit, pas de grandes innovations, Better Man étant sur ce point relativement classique. Le film commence peu ou prou comme une œuvre à la Ken Loach (l’enfance dans les quartiers populaires de Stoke-on-Trent, un père peu présent qui finit par quitter le foyer, une grand-mère adorée…) avant de se concentrer respectivement sur la formation du boys band Take That dans lequel il est recruté par le producteur Nigel Martin Smith, le succès puis le départ du groupe, les errances et les différentes addictions (drogue et alcool), et, pour finir, la carrière solo avec la renaissance de l’artiste ainsi qu’une vraie reconnaissance. Concernant les dérives du jeune Robbie, il est appréciable de constater que Better Man ne fait pas l’impasse dessus, offrant une image très contrastée du chanteur (notamment dans sa relation compliquée avec Nicole Appleton, ses rapports avec Liam Gallagher), ce qui n’est pas le cas, reconnaissons-le, dans la plupart des biographies à l’écran, très souvent contrôlées (censurées) par les ayants-droits et les membres de la famille (y compris musicale). Une impression renforcée par le recours à une voix off directe et crue interprétée par Robbie Williams lui-même, qui ne cherche jamais à s’épargner, bien au contraire. Il pose un regard lucide et sans concession sur sa carrière.
Une impression renforcée par le recours à une voix off directe et crue interprétée par Robbie Williams lui-même, qui ne cherche jamais à s’épargner, bien au contraire
Néanmoins, tous ces ingrédients et ces traumas ont largement été éprouvés et sur ce point-là (un parcours somme toute classique), Better Man n’apporte rien de plus. Pourtant, le long métrage de Michael Gracey finit par séduire (au-delà du cercle d’admirateurs du chanteur) grâce au spectacle qu’il propose, à la vie qu’il insuffle tout au long des 2h20 qui s’enchaînent assez vite.
Pourtant, le long métrage de Michael Gracey finit par séduire (au-delà du cercle d’admirateurs du chanteur) grâce au spectacle qu’il propose, à la vie qu’il insuffle tout au long des 2h16 qui s’enchaînent assez vite.
Malgré l’utilisation du numérique (que l’on peut regretter), les numéros musicaux fonctionnent à l’image du plan-séquence à Regent Street sur fond de « Rock DJ », titre phare de Robbie Williams ou un concert qui se termine en bagarre entre le chanteur et ses multiples projections dans le public. Cette utilisation intelligente de la musique nous évite alors les sempiternels moments qui nous expliquent de façon très didactique la création des titres les plus emblématiques. La dernière séquence, une représentation au Royal Albert Hall de Londres en 2001, réussit même le tour de force d’émouvoir, assumant un certain sentimentalisme : Robbie se réconcilie sur scène avec son père Peter, dont il a toujours été admiratif, lors d’une remarquable interprétation de « My Way ».
RÉALISATEUR : Michael Gracey NATIONALITÉ : Grande-Bretagne GENRE : Biopic AVEC : Avec Robbie Williams, Jonno Davies, Steve Pemberton DURÉE : 2h16 DISTRIBUTEUR : Paramount Pictures France SORTIE LE 22 janvier 2025