Tout sauf toi : beaucoup de bruit pour rien

La comédie du remariage, célébrée par Stanley Cavell dans A la poursuite du bonheur, a encore de beaux jours devant elle. Même si les comédies pures n’existent quasiment plus à Hollywood (Pauvres créatures ou May December ont été rangés de façon presque incompréhensible dans cette catégorie aux derniers Golden Globes), celles qui surgissent de temps à autre se réfèrent souvent à cette référence indépassable de la screwball comedie. Will Gluck qui s’était signalé à l’orée des années 2010 avec deux comédies très réussies, Easy Girl avec Emma Stone, et Sexe entre amis, essaie de ranimer la comédie moribonde avec son nouveau film, Tout sauf toi, en s’inspirant fortement de la pièce célèbrissime de William Shakespeare, Beaucoup de bruit pour rien. C’est un peu le sentiment qui se dégage de la vision de ce film, devant tant de débauche d’énergie. de bruit et de cacophonie dans tous les sens.

Béa, une étudiante en droit, rencontre un boursicoteur, Ben. Le coup de foudre est réciproque, jusqu’à ce que Béa s’éclipse en doute, le matin venu. A la suite d’un quiproquo, les deux tourtereaux sont brouillés. Ils se retrouvent à l’occasion d’un mariage lesbien entre la soeur de Béa et une amie de Ben. Leurs ex étant conviés également, ils ne trouvent guère d’autres solution que de faire semblant d’être en couple pour soit éloigner soit attirer leurs ex…

Sans faire preuve de génie ni d’inventivité, Tout sauf toi remplit son office de comédie romantique sans prétention, véhicule pour sa star-productrice.

Will Gluck s’est révélé par deux comédies formidables, jouissives et finement écrites, Easy Girl et Sexe entre amis, avec une réelle modernité de ton et une absence rafraîchissante de vulgarité, par rapport aux productions Judd Apatow qui dominaient le marché en ce temps-là, Plus de dix ans sont passés, ainsi qu’un remake d’Annie et deux volets de Pierre Lapin, en revenant à la comédie qui l’a fait connaître, Will Gluck entend renouer avec son succès et sa réussite artistique d’antan. Quand on n’a plus guère d’idées, il convient de se reposer sur de grands auteurs, comme par exemple, celui qui a inventé la comédie romantique avec Beaucoup de bruit pour rien, un certain William Shakespeare. Entre-temps, malheureusement, Will Gluck a perdu sa finesse d’exécution et se vautre dans une vulgarité facile qu’on ne lui connaissait pas (la scène des toilettes au début, la séquence de la mygale). Même s’il arrive à préserver l’essence de la comédie de Shakespeare, dont on s’amuse à repérer les répliques sous forme de bornes clignotantes éparses dans le film il se trouve bien loin des réussites de ses débuts, coincé dans une sorte de sous-sous Sans Sarah rien ne va.

Rien ne décolle vraiment dans ce marivaudage prévisible hormis peut-être une séquence en hommage à Titanic qui aboutit à une chanson entonnée dans les airs qui donne une petite idée du film, s’il avait été pleinement réussi. On signalera tout de même la musique co-composée par une des soeurs Haim, Este la gigantesque bassiste, des apparitions émouvantes de Rachel Griffiths, la fameuse Brenda de Six Feet Under, Glen Powell en simili-Ryan Goslig, du temps où il faisait beaucoup de comédies idiotes, et surtout Sydney Sweeney, qui confirme son étonnant charisme de potentielle star de l’impressionnante écurie Euphoria (Zendaya, Hunter Schafer, Jacob Elordi, etc.), surpassant peut-être ses petits camarades. Elle est même définie au détour d’une réplique comme la blonde à forte poitrine aux grands yeux tristes, tant, contrairement à Reality, où ne dépassait pas le moindre bout de chair, – ce qui a permis de valider son incontestable qualité d’actrice -, elle joue la totalité de Tout sauf toi, généreux décolleté très en avant.

En fin de compte, sans faire preuve de génie ni d’inventivité, Tout sauf toi remplit son office de comédie romantique sans prétention, véhicule pour sa star-productrice. Il en faudra beaucoup plus pour relever le niveau de la comédie américaine. Il est certainement préférable de relire Shakespeare.

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RÉALISATEUR : Will Gluck 
NATIONALITÉ :  américaine 
GENRE : comédie romantique  . 
AVEC : Sydney Sweeney, Glen Powell 
DURÉE :  1h 44
DISTRIBUTEUR : Sony Pictures Entertainment France 
SORTIE LE 24 janvier 2024