Il se passe indubitablement quelque chose du côté des réalisatrices en 2020. Alors qu’en 2017-2018, on s’étonnait de ne pas voir les effectifs de réalisatrices augmenter suite à #metoo, il a fallu un temps naturel de gestation, trois ans, pour qu’elles réagissent enfin, se décidant à prendre la parole artistiquement. Ce mouvement prend particulièrement forme aux Antipodes: c’est en effet du côté de l’Australie que naissent les plus belles propositions cinématographiques : Milla de Shannon Murphy, The Nightingale de Jennifer Kent et donc Relic de Natalie Erika James. Premier film de cette autrice de trente ans, Relic se distingue par une maturité affolante, des choix de mise en scène totalement assumés et une parfaite direction d’actrices.
Premier film de Natalie Erika James, Relic se distingue par une maturité affolante, des choix de mise en scène totalement assumés et une parfaite direction d’actrices.
Quand Edna, la grand-mère d’une famille exclusivement féminine, disparaît, sa fille Kay et sa petite-fille Sam s’affolent et s’installent dans la grande maison familiale, en la recherchant et en attendant son retour. Elle finit par revenir mais n’est plus exactement la même…
Dans Relic, Natalie Erika James assume des choix absolument maîtrisés et risqués, en particulier pour un film de genre : un rythme volontairement lent et hiératique, une absence délibérée de jumpscares stupides, une rétention de l’action qui ne fera exploser le contenu de son film que dans sa dernière demi-heure, enfin une distribution presque exclusivement féminine. Relic annonce d’emblée la couleur, ce sera un film de femmes, mais dont la principale originalité réside dans le fait que les trois femmes appartiennent à trois générations différentes. Natalie Erika James dirige de manière précise et quasiment mélodique les trois actrices qu’elle a choisies, qui accomplissent ici l’une de leurs meilleures performances : Emily Mortimer (Match Point, Shutter Island), Bella Heathcote (Dark Shadows, The Neon Demon) et surtout l’ahurissante Robyn Nevin en grande-mère perturbée.
Car Relic n’est pas un film de genre comme les autres. Il se rapprocherait plutôt de La Mouche de David Cronenberg, les effets peu ragoûtants en moins. Le prétexte mille fois rebattu de la maison hantée par une présence inconnue n’est en fait qu’un prétexte pour développer une métaphore exprimant les problèmes du vieillissement et de la dépendance des personnes âgées. Sur ce point, Relic touche incroyablement juste et sans surligner ses effets, permet de se mettre en empathie avec une personne âgée qui ne veut pas mourir et quitter la maison de sa vie. Lorsque les taches brunes recouvrant le corps de l’aïeule seront également découvertes sur un autre corps, Natalie Erika James montre ainsi le cycle de la mort et de la vie en perpétuel recommencement, la maladie de la dégénérescence qu’on ne pourra jamais arrêter. Relic, beau coup d’essai pour un premier film féminin, voire féministe, d’une maturité impressionnante.