Les Chroniques de Poulet Pou : retour sur La Chambre d’à côté de Pedro Almodóvar : la mort vous va si bien

La mort lui va si bien. Spoiler, j’ai bien aimé le film, même si le brahmsisme de l’habituel Alberto Iglesias à la BO est way too much, all the time. À un moment, Tilda Swinton dit, J’aime bien écouter le chant des oiseaux à l’aube — tandis que déboule le score, qui annihile illico les pépiements. Spoilers la suite, un peu comme devant Tout s’est bien passé d’Ozon, j’avoue m’être dit, C’est quand même mieux d’être riche pour affronter la maladie et la mort. Le gauchisme caviar d’Almodóvar fait-il son autocritique ironique via l’amusant personnage de John Turturro, lequel expose en deux répliques synthétiques ce que l’alliance des extrêmes droites avec l’ultralibéralisme triomphant nous réserve, dans le contexte de crise énergético-climatique qui nous échoit. Le tout en dégustant une assiette de fraises en plein hiver, OK boomer. Je dis, hiver, cependant le passage des saisons est-il perceptible, depuis les luxueux penthouses où les héros ont élu domicile. Pourtant il neige, et se font entendre — quand Iglesias cesse deux minutes de rouler des violons — les émotionnantes phrases finales des immortels Gens de Dublin de James Joyce, en direct du bouquin, ou via la non moins immortelle adaptation ciné qu’en fit John Huston.

À propos, sont marquants les gros plans sur les lecteurs et autres jaquettes DVD — sont-ce les vestiges d’une ère déjà quasi révolue —, ainsi que ceux sur les mots que Julianne Moore tape sur son traitement de texte. Il y avait déjà ça dans Madres Paralelas et Douleur et Gloire, ce me semble. Est-ce à dire que l’écrit, à la naissance du film encore scénario, en est aussi l’horizon. On se le demande, même si les couleurs almodóvariennes n’ont jamais été aussi flamboyantes, et que le changement de langue et de territoire, de l’Espagne aux USA, est tout ce qu’il y a de naturel, par l’intermédiaire de deux comédiennes au sommet de leur art. Une dernière remarque/spoiler pour conclure ce fatras de réflexions jetées à la va-vite, je me suis demandé si la rigueur formelle de la chose, qui se traduit par la recomposition du duo d’actrices même après la disparition d’un personnage, ne s’identifiait pas avec une certain conformisme. En tous cas un recul dans le désespoir apparent — la transmission, horizon lumineux de l’humanité. Et je me suis attardé à imaginer des solutions plus noires — un plus long face-à-face avec le cadavre, peut-être. Mais noir pourquoi, au fond, la vie continue, toujours, du reste même après nous.