Les Chroniques de Poulet Pou : nouvelles réflexions sur Asteroid City

Le film mérite-t-il qu’on y réfléchisse à deux fois, je n’en sais rien. Ce qu’il y a cependant, c’est que je ne parviens pas à me satisfaire des quelques critiques que j’ai pu lire. Elles tournent soit autour de la taxidermie, du train électrique (pour les négatives, dont la mienne*), soit de l’émotion rentrée du récit, et/ou de la beauté géométrique des images (pour les positives). C’est un peu court jeune homme, essayons d’observer la chose à travers de nouvelles lunettes. Prenons les mises en abîme. Émission de télé fictive à propos d’une pièce fictive, écrite par un dramaturge fictif et montée par un metteur en scène fictif, dont l’objectif annoncé est de montrer ’’comment ça marche’’. Cet empilement de niveaux n’aboutit en apparence à rien. Je dirais même plus, tout est comme aplati par un clou du spectacle basse intensité, lorsque le présentateur de l’émission se trouve parachuté tel un extra-terrestre à l’intérieur du film qui raconte l’histoire de la pièce. Une simple erreur, commente-t-il. Au bout du compte, a-t-on vraiment compris comment ça marche — la question fait écho à la mécanique en vrac de l’automobile à la panne mystérieuse.

Reste pourtant en mémoire le fait que ladite pièce se réclame du théâtre américain des années 50, façon Tennessee Williams ou Arthur Miller, dont les œuvres évoquent dans l’imaginaire collectif — caricaturons — des cris, de la sueur, de l’alcool, de l’ego, bref des gens qui se roulent par terre. Étrange dissonance avec le hiératisme des personnages-figurines imperturbables de Wes Anderson. Là encore, cette dissonance ne semble mener nulle part. Les années 50, ce sont aussi celles de la toute-puissance des USA. This country has never lost a war, indique le personnage du cow-boy. Yet, précise-t-il. Et de s’élever presque gaiement les champignons nucléaires des explosions-test à l’horizon du désert-décor. Je regrettais dans mon précédent blabla l’absence du Coyote, l’ennemi de Bip Bip. Or à mieux y regarder, le Mal est partout autour des personnages. Il est même là, à l’intérieur, présent dans les inventions des jeunes surdoués — respectivement, une arme létale, un équipement de transport à potentielle application militaire, une arme économique, un nouvel élément chimique probablement radioactif, et un truc dangereux qui rend les plantes toxiques. Ce qui est marquant, c’est qu’il est difficile de savoir ce qu’en pense Wes Anderson. Comme dans son précédent The French Dispatch, où l’on passait indifféremment du point de vue des malades/manifestants/détenus molestés à celui des infirmiers/CRS/flics tortionnaires. Ces trucs-là font partie de notre monde, comme l’amour et la mort, semble-t-il nous dire. On n’y peut rien, il faut faire avec, toute cette tourbe n’a pas plus d’importance que des jouets abandonnés dans une chambre d’enfant, si on se place du point de vue de l’immensité de l’univers. OK Doc dac, mais d’une, c’est tout ce qu’on a. Et de deux, pourquoi alors ne pas plutôt faire des documentaires d’astrophysique. Bref, comme vous le constatez, je ne suis pas très avancé avec mon télescope, mais le film me trotte dans la tête plus que je n’aurais cru, et de son souvenir se dégage une drôle de mélancolie.