Les Chroniques de Poulet Pou : retour sur Les Passagers de la nuit. La douceur implacable du passage du temps

Par rapport au cinoche de Bozon ou Desplechin, des récentes sorties desquels je vous entretenais pas plus tard qu’hier et avant-hier, je suis a priori moins client de celui de Mikhaël Hers. Sans détester, j’ai tendance à trouver ça un poil trop mièvre et sentimental. Je suis donc allé à la séance en traînant les pieds, et j’ai eu beaucoup de mal à rentrer dans le film, dont l’aspect joli — impression du visage de la jeune actrice un rien trop apprêtée sur les lumières clignotantes façon guirlandes de Noël du plan de métro interactif eighties — m’a d’abord franchement rebuté. J’ai par ailleurs cru déceler un problème de rythme. Sont-ce les différents formats et natures d’images qui en sont en partie responsables ? Plans de coupe nombreux, fabriqués avec des images d’archives, vraies ou fausses, différences de grain de pellicule visibles à l’écran, etc. — vu la taille de l’équipe mentionnée au générique à ce poste, ces images semblent quoi qu’il en soit avoir été méticuleusement travaillées. M’a aussi dérangé une trop forte dose de ce type de scène devenu peu à peu un cliché, à savoir le héros chevauchant son vélo ou sa mob au son d’une musique pop vintage. Persiflons un peu en passant, je connais un tas de gens qui adulent Lloyd Cole, les mêmes ricanent dès qu’ils entendent parler de Vincent Delerm, or l’aérophage de Châtenay-Malabry et l’idole ombrageuse de Buxton chantent exactement de la même façon, eh.

Tout ceci étant posé, et la mièvrerie et la sentimentalité étant bien présentes — tout ce qui serait sale est laissé hors-champ, la tox en plein cold turkey est comparée à un gros bébé mignon, mec on n’est pas dans Trainspotting, Les Passagers de la nuit c’est plus ambiance Sarah Records qu’Iggy le Passenger torse nu —, malgré toutes mes préventions et sans trop bien comprendre pourquoi, j’ai fini par rendre les armes et me couler dans le rythme du film. Dans sa dernière partie semblent s’enchaîner des épilogues qui n’en sont pas vraiment, c’est assez étrange, Charlotte Gainsbourg pleurniche un peu puis relève la tête (elle est très juste), on a l’impression que le jeune acteur qui joue son fils grandit pour de vrai, il est agréable à regarder, la jeune actrice un rien trop apprêtée itou. Une scène de la bande-annonce m’avait fait fortement penser à celle bouleversante de Boyhood, dans laquelle Patricia Arquette se désole du fait que ses enfants soient devenus sans qu’elle s’en aperçoive des adultes, et à plusieurs reprises pendant la séance ai-je fortement repensé au hit de Linklater. Vous voyez que mon appréciation n’est finalement pas si négative. C’est peut-être juste que ces Passagers sont un film gentil et que je suis gentil, ou peut-être réussissent-ils à évoquer quelque chose de la douceur implacable du passage du temps.