Fremont : la lente éclosion d’une Afghane en exil

Le réalisateur anglo-iranien Babak Jalali s’était fait connaître pour son western Land, présenté à la Berlinale de 2018. En salles à partir du 6 décembre, son nouveau film Fremont lui a valu le prix du jury du 49ème festival de Deauville. Mais dans cet itinéraire d’une femme afghane en pleine renaissance, la délicatesse et les touches d’humour décalé ne compensent pas le manque de rythme et de couleurs. 

Donya (Anaita Wali Zada) travaille dans une usine de fortune cookies à San Francisco. Son quotidien est morne, elle passe ses soirées dans un bar vide tenu par un vieil Afghan et ses nuits à chercher un sommeil qui ne vient pas. Hantée par son passé d’interprète pour l’armée américaine, elle entame une thérapie avec un drôle de psychiatre. Son destin bascule véritablement quand son patron la charge d’écrire les mots glissés à l’intérieur des biscuits : et si une rencontre mettait un terme à sa solitude ? 

Une oeuvre fine et touchante, mais à laquelle il manque la fantaisie et l’élan de vie que recherche désespérément sa principale protagoniste. 

La subtilité – du récit et des images – est sûrement la qualité première de Fremont. Chaque dialogue est soupesé, le superflu n’a pas sa place, et le jeu d’Anaita Wali Zada s’avère profondément juste, sans exagérations ni trémolos. Dans les relations qu’elles nouent, la retenue des émotions est palpable. Son lien avec le gérant du bar n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui qui unit Amélie Poulain et l’homme aux os de verre dans le film de Jean-Pierre Jeunet. Mais si l’intensité du noir et blanc ajoute de la profondeur à certaines scènes déjà lumineuses, elle nous plonge aussi dans la grisaille. 

Paradoxalement, alors qu’il s’agit de l’éveil sensoriel et social d’une femme murée dans le silence et la culpabilité, Fremont ne se défait pas d’une certaine pesanteur. Cette impression n’est pas due qu’à l’absence de couleurs, mais aussi à un rythme lent, contemplatif, qui ne décolle jamais tout à fait. De même, les traits d’esprit ou les situations – légèrement – comiques paraissent entravées, incomplètes, laissant le spectateur frustré, avec un arrière-goût d’inachevé.

On se retrouve alors face à une oeuvre fine et touchante, mais à laquelle il manque la fantaisie et l’élan de vie que recherche désespérément sa principale protagoniste. 

2.5

RÉALISATEUR : Babak Jalali
NATIONALITÉ :  américaine
GENRE : comédie / drame
AVEC : Anaita Wali Zada, Jeremy Allen White, Gregg Turkington
DURÉE : 90 minutes
DISTRIBUTEUR : JHR Films
SORTIE LE 6 décembre 2023