Depuis presque vingt-cinq ans, Dominique Fischbach, réalisatrice de documentaires télévisés en particulier pour la fameuse émission Strip-tease, a ressenti un coup de foudre pour une petite fille brune de onze ans, vive, malicieuse et…sourde. Devenue amie avec elle et sa famille, elle lui a consacré nombre de courts et moyens métrages documentaires, la suivant tout au long de sa vie : Petite soeur (2003), Grande soeur (2010), Manon maman (2022). A chaque fois, elle est impressionnée par la force de caractère et l’appétit de vie de ce petit bout de femme qui cherche toujours à aller au-delà de son handicap. Dominique Fischbach s’aperçoit que, si une histoire connue d’elle mérite de passer au grand écran, c’est bien celle de Manon Altazin, cette jeune femme exceptionnelle, aujourd’hui âgée de trente-cinq ans. A travers elle, nous découvrons l’histoire de sa famille, tourmentée par des drames intimes et tragiques et documentée par de nombreuses vidéos familiales, et surtout nous comprenons de l’intérieur le drame personnel de ces personnes isolées du monde par un handicap invisible.
À la veille d’une célébration familiale, Manon, jeune femme sourde et lumineuse, rejoint ses parents en Haute-Savoie. Dans la beauté des paysages alpestres, l’histoire du clan se redéploie entre archives familiales et images filmées par la réalisatrice depuis 25 ans. Porté par la force intérieure de Manon, le film trace un chemin d’épreuve et de résilience. La parole émerge enfin, là où le silence a longtemps régné.
Face à ces comportements indignes d’invisibilisation qui, chez beaucoup, déclencheraient la consternation, Manon Altazin décide de combattre par la vaillance de son sourire. la persévérance de son obstination.
Certains ne vont pas arrêter de parler avec leurs « semblables », des personnes qui ne souffrent pas de handicap, « valides », profondément autosatisfaites, bornées intellectuellement et tristement autocentrées, et vont refuser par un message lapidaire de communiquer avec d’autres personnes sensibles, isolées par un handicap, renfermées en elles-mêmes par un manque de confiance en soi, et qui auraient pourtant souhaité en sortir grâce à un contact. En faisant cela, ceux-là ne le savent peut-être pas mais ils se rendent coupables de discrimination volontaire. Edifiant ce mur d’incompréhension, d’ostracisme et d’exclusion, ils ont beau se croire humains, c’est en fait la lie de l’humanité qui ne mérite que le plus profond des mépris.
Face à ces comportements indignes d’invisibilisation qui, chez beaucoup, déclencheraient la consternation, Manon Altazin décide de combattre par la vaillance de son sourire. la persévérance de son obstination. Impossible n’est pas sourd, telle est sa devise. Devant sa fascination pour l’aviation, on lui déconseille de piloter. Elle s’obstine et passe son brevet de pilote. Tous s’esclaffent lorsqu’elle veut devenir kinésithérapeute, métier « réservé » a priori à des entendants. Elle fait fi des oppositions et exerce ce beau métier depuis plus de dix ans. Manon, c’est une volonté qui va de l’avant et ne s’arrête pas en raison de quelques difficultés mineures.
Elle entend pas la moto, c’est son histoire, celle d’une sourde profonde, qui parvient à entendre quand elle est appareillée mais privilégie le langage des signes et la lecture sur les lèvres, une personne qui n’a renoncé à rien malgré son handicap, une jeune femme qui est devenue étudiante, pilote d’aviation, kinésithérapeute libérale, maman, etc. C’est aussi l’histoire d’une famille, celle de ses parents, les Altazin, qui n’ont pas appris le langage des signes, alors qu’elle faisait face à l’arrivée de deux enfants sourds de naissance, Manon et son benjamin Maxime.
Elle entend pas la moto, c’est aussi l’histoire du frère de Manon, Maxime disparu brutalement des circonstances mystérieuses, alors qu’il s’était beaucoup moins adapté à son état de sourd profond que son aînée Manon. On le voit souvent au détour d’images d’archives filmées par les parents, un enfant blond et solaire qui va retrouver un écho inattendu et involontairement cruel dans Matteo, le fils de Manon, qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau, Ce film, c’est aussi l’histoire de cette mort non réellement élucidée et du poids de la culpabilité qui repose sur l’ensemble des membres de la famille, de n’avoir pas su comprendre l’étendue de son drame intérieur.
Mélangeant les images d’archives et celles filmées au présent, Dominique Fischbach met en valeur le phénomène de répétition qui existe au sein de la plupart des familles, ce cycle éternel de vie, de mort, de substitution. Pourtant, ce qui reste de toutes ces images, c’est plutôt celles de Manon transportée à la joie de communiquer avec son fils, Au sein d’un chalet situé sur des hauteurs alpestres, le spectateur est amené à situer les membres de cette famille par rapport à la nature imposante qui les entoure. Lorsque Manon enlève son appareillage, rendant son empire au silence, la paix emplit l’atmosphère d’une sérénité inconnue, celle des moments fugitifs où le caractère irréversible du temps suspend son vol.
RÉALISATRICE : Dominique Fischbach
NATIONALITÉ : française
GENRE : documentaire
AVEC : Manon Altazin et toute sa famille
DURÉE : 1h34
DISTRIBUTEUR : Epicentre films
SORTIE LE 10 décembre 2025


