Chien 51 :  entre chien et loup, le récit perd le nord

Présenté en clôture de la Mostra de Venise le 6 septembre, hors compétition, Chien 51 de Cédric Jimenez sortira en salles le 15 octobre avec une promesse alléchante : celle d’un grand polar dystopique sur fond d’intelligence artificielle, servi par un casting quatre étoiles (Gilles Lellouche, Adèle Exarchopoulos, Romain Duris). Mais derrière l’ambition affichée et quelques réussites visuelles marquantes, le film peine à tenir ses engagements.

Le récit nous entraîne dans un Paris futuriste, territorialement et socialement fracturé, au bord de l’embrasement. La capitale, plongée dans un climat de répression explosif, devient le terrain d’une enquête policière où l’intelligence artificielle s’invite comme outil central de contrôle et de justice. Un flic désabusé, incarné par Gilles Lellouche, se retrouve embarqué dans une affaire qui remet en question le système, croisant dérives technologiques, luttes de pouvoir et destins intimes. Le film promet un mélange de polar nerveux et de science-fiction dystopique, mais préfère rester en surface des thématiques qu’il convoque.

Là où Jimenez reste le plus convaincant, c’est quand il flirte avec ses fondamentaux : un thriller social à la BAC Nord, qui interroge les abus de pouvoir et les ruptures de classe.

Le premier écueil est sans doute le scénario, d’une prévisibilité déconcertante. Beaucoup d’arcs narratifs sont esquissés puis abandonnés, les rebondissements tombent à plat, et une romance parachutée en cours de route peine à trouver une justification dramaturgique. Jimenez emprunte au registre de la dystopie technologique — non sans rappeler certaines productions Netflix récentes, et le partenariat du film avec la plateforme n’est sans doute pas étranger à cette parenté. Comme si l’on avait voulu reproduire un produit calibré, dans la veine des productions du même genre de la plateforme, sans pour autant parvenir à y injecter la profondeur nécessaire. Les clichés ne sont pas dépassés : au début, l’IA est efficace ; à la fin, elle devient l’ennemi à abattre. Une morale attendue et binaire, héritée des années Terminator, bien loin de la complexité des débats actuels sur les technologies et la rapidité alarmante de leur évolution.

Le second point faible se trouve du côté des personnages. Malgré son prestige, le casting peine à convaincre, les rôles semblent sous-exploités. Exarchopoulos, par exemple, ne trouve son intensité qu’à mi-parcours, lorsque son personnage est confronté à une véritable lutte pour sa survie. Seul Gilles Lellouche tire réellement son épingle du jeu, dans un rôle de flic brut et névrosé qui lui colle à la peau. Là où Jimenez reste le plus convaincant, c’est quand il flirte avec ses fondamentaux : un thriller social à la BAC Nord, qui interroge les abus de pouvoir et les ruptures de classe. Mais le mélange avec la science-fiction, lui, ne prend pas.

Pourtant, tout n’est pas à jeter dans Chien 51. La mise en scène offre quelques morceaux de bravoure, notamment la spectaculaire séquence du club “Millénium”, où musique techno et esthétique drag explosent à l’écran. Paris y est un décor saisissant, proche du Los Angeles post-apocalyptique de Strange Days, rythmé par des scènes d’action haletantes et une bande-son électrisante. Si le film séduit par son énergie visuelle et sonore, il échoue à lier le tout dans une narration solide. En définitive, Chien 51 est une œuvre inégale, trop ambitieuse pour être un simple polar, trop superficielle pour être une dystopie marquante, mais qui laisse malgré tout entrevoir ce que Jimenez sait faire de mieux : filmer l’urgence et la tension sociale.

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RÉALISATEUR : Cédric Jimenez
NATIONALITÉ :  Français
GENRE : Policier, Science-Fiction
AVEC : Gilles Lellouche, Adèle Exarchopoulos, Romain Duris
DURÉE : 100min
DISTRIBUTEUR : StudioCanal
SORTIE LE : 15 octobre 2025