The Last of Us Saison 2 : une évolution risquée mais nécessaire

En 2023, The Last of Us dévoila au public sa première saison. Mettant en scène le jeu vidéo éponyme, elle redonna foi dans les adaptations de ce média, et plus particulièrement pour celles sous le format série (confirmé l’année suivante avec la première saison de Fallout). Loin des échecs habituels marqués par des récits maladroits et une mauvaise compréhension de la matière d’origine, elle a prouvé qu’un tel projet, bien que non sans défauts, pouvait atteindre l’excellence : une œuvre sensible, poignante et magnifiquement réalisée. Naturellement, l’attente autour de la saison 2 était immense, d’autant plus que celle-ci aura la lourde tâche d’adapter le second jeu, qui divise bien plus les joueurs que le premier volet.

Cinq ans après les événements de la saison 1, Ellie (Bella Ramsey), désormais âgée de 19 ans, vit à Jackson, une communauté relativement stable. Sa relation avec Joel (Pedro Pascal) demeure tendre, mais troublée par la dernière discussion entre eux dans le final de la saison 1. Ce fragile équilibre vole en éclats lors de l’arrivée d’Abby (Kaitlyn Dever) et son groupe près de Jackson. Cette scène, reprise du jeu, bouleverse totalement la série : à partir de là, The Last of Us ne raconte plus seulement la survie dans un monde post-apocalyptique, mais devient une plongée dans la spirale de la vengeance et ses ravages.

Ellie, dévastée, s’engage dans une quête destructrice. La série complexifie rapidement le récit en donnant aussi la parole à Abby. On découvre que son père, chirurgien des Lucioles, un groupe révolutionnaire apparaissant dans la première saison, a été tué par Joel à la fin de celle-ci. Sa violence trouve ainsi racine dans son propre deuil. Cette alternance de points de vue brouille les repères moraux : doit-on considérer Joel comme un héros ou un bourreau ? L’action d’Abby est-elle monstrueuse ou légitime ? Dans ce monde brisé, la justice a-t-elle encore un sens ?

Au milieu de cette noirceur, la relation entre Ellie et Dina (Isabela Merced) apporte un ancrage émotionnel fort et bienvenu. Leur histoire d’amour est imparfaite, mais profondément humaine. Elle donne à Ellie une parenthèse de tendresse et de répit, même si sa quête vengeresse menace rapidement cet équilibre fragile. Le personnage de Jesse (Young Mazino), ami d’Ellie et ex-compagnon de Dina, enrichit aussi ce tissu relationnel. Plus développé que dans le jeu, il contribue à donner à son personnage et à la ville de Jackson une dimension communautaire et émotionnelle crédible, rendant ses pertes d’autant plus douloureuses.

C’est une histoire brutale sur la vengeance, le deuil et l’ambiguïté morale, mais aussi un récit traversé de lueurs d’amour et d’espoir. Dans un monde en ruines, la série rappelle que ce sont nos choix, et les liens que nous en préservons, qui continuent de nous définir.

La saison développe donc un triangle tragique entre Joel, Abby et Ellie. Tous trois sont mus par l’amour et le deuil, mais leurs choix entraînent des violences irréparables. Joel sauve Ellie par amour, mais détruit la vie d’Abby. Celle-ci se venge pour honorer son père, mais engendre une nouvelle chaîne de souffrances. Ellie, à son tour, s’enfonce dans la haine au point de perdre une partie d’elle-même. La série insiste sur ce point : les pires actes naissent souvent de sentiments profondément humains. Elle ne demande pas d’excuser, mais de comprendre, obligeant le spectateur à se confronter à des dilemmes moraux sans solution nette.

Au-delà des drames intimes, la saison explore en parallèle différentes tentatives de reconstruction d’une société. Jackson symbolise un idéal fragile et protégé, mais fermé. Le WLF, incarne l’ordre implacable d’une organisation militarisée, et se veut être un miroir de l’esprit d’Abby. La secte des Séraphites, offre un faux refuge basé sur la violence et le dogme. Aucune de ces structures n’est totalement bonne ou mauvaise : elles reflètent la quête universelle de sécurité et de sens dans un monde en ruines.

Narrativement, la saison adopte une construction éclatée : changements de perspectives, ellipses temporelles, arcs multiples. Cette audace divise, mais elle confère à l’histoire une richesse rare. Visuellement, Seattle et ses ruines détrempées deviennent presque un personnage à part entière, renforçant le poids des souvenirs et des blessures. Les scènes d’action sont intenses, mais jamais gratuites, toujours au service des émotions et de l’histoire.

Les acteurs portent l’ensemble. Bella Ramsey livre une performance saisissante, oscillant entre rage, fragilité et humanité blessée. Elle arrive à rendre tangible l’usure psychologique d’Ellie. Pedro Pascal, malgré une présence réduite, imprime durablement son empreinte : chaque silence, chaque regard prolonge le lien indestructible entre Ellie et Joel. Kaitlyn Dever humanise Abby, rendant impossible de ne la réduire qu’à son acte violent. Isabela Merced apporte chaleur et authenticité à Dina, tandis que Young Mazino, Gabriel Luna ou encore Jeffrey Wright enrichissent l’univers par des personnages secondaires solidement incarnés.

Cependant, tout n’est pas parfait, loin de là. L’exécution paraît parfois moins fluide que celle de la première saison, la narration souffre de quelques déséquilibres et certains arcs émotionnels perdent de leur intensité. Malgré ses maladresses, l’évolution de cette saison reste une étape essentielle : imparfaite certes, mais loin d’être un échec. La première saison suivait fidèlement la trame du jeu original. La deuxième, en revanche, prend plus de libertés, ce qui explique une partie des critiques. Il avait cependant été annoncé très rapidement que l’histoire de ce second volet serait scindée en deux saisons : tout ne pouvait donc pas se résoudre ici. Par ailleurs, il est important de repréciser que transposer un jeu à l’écran ne consiste pas à reproduire mécaniquement chaque séquence ; il faut traduire une expérience interactive en langage télévisuel. Certaines pertes ou ajustements étaient inévitables.

Cette seconde saison n’offre ni réconfort ni certitudes. Elle explore les conséquences plutôt que les solutions, les cicatrices plutôt que les victoires. C’est une histoire brutale sur la vengeance, le deuil et l’ambiguïté morale, mais aussi un récit traversé de lueurs d’amour et d’espoir. Dans un monde en ruines, la série rappelle que ce sont nos choix, et les liens que nous en préservons, qui continuent de nous définir.

3.5

SHOWRUNNER :   Neil Druckmann et Craig Mazin 
NATIONALITÉ : États-Unis
GENRE :  Aventure, Drame, Horreur, Action
AVEC : Pedro Pascal, Bella Ramsey, Kaitlyn Dever, Isabela Merced, Young Mazino, Gabriel Luna, Jeffrey Wright
DURÉE : 7 x 50 min
DISTRIBUTEUR : HBO Max
SORTIE 14 avril 2025