The Mastermind : un simple cambriolage

Après avoir revisité le western (La Dernière piste), le film écologique (Night moves), Kelly Reichardt réinvente le film de braquage pour sa neuvième oeuvre et sa deuxième entrée en compétition au Festival de Cannes après Showing up en 2022. Sur neuf films, The Mastermind fait partie de la moitié de films réalisés sans son actrice fétiche, Michelle Williams, ce qui signifie pas qu’il ne faut pas y prêter attention, bien au contraire. En apparence léger et anodin, The Mastermind décrit l’existence d’un ancien étudiant en art qui a l’idée saugrenue de monter un casse avec deux inconnus, en volant des tableaux d’art abstrait, pour améliorer son quotidien et pouvoir rembourser sa mère qui l’aide à grand renfort de chèques. Le titre est bien évidemment très ironique. Le film va faire le portrait d’un loser magnifique, dont la vie va aller de Charybde en Scylla, suite à cette initiative excentrique de braquage.

Dans les années 70, dans un recoin paisible du Massachussets, James Mooney, modeste menuisier, ancien étudiant en art, prépare un braquage de tableaux d’art abstrait, avec en arrière-plan, le contexte de la guerre du Vietnam et du mouvement de libération des femmes.

Mine de rien, depuis plus de trente ans, Kelly Reichardt bâtit une oeuvre exigeante et extrêmement originale. The Mastermind, sous ses allures de film léger, ne prêtant pas à conséquence, est sans doute son oeuvre la plus accessible. En effet, le style y est étonnamment fluide, au point qu’on pourrait presque prendre le film pour un exercice de style hollywoodien. Comme dans certains de ses films, Reichardt s’est occupée du montage. Pourtant The Mastermind est bien un film indépendant et fier de l’être. Dans son style, il possède comme caractéristique distinctive une superbe bande-son jazzy, essentiellement à base de percussions, signée Rob Mazurek. Cette musique joliment déstructurée est pour beaucoup dans le plaisir cool que le spectateur peut prendre à voir le film.

Dans ce rôle de cerveau du braquage, Josh O’Connor, également présent en compétition du Festival de Cannes, avec The History of sound, apporte ce petit plus de candeur qui fait merveille et récuse toute accusation de cynisme. Même quand il accomplit les plus basses exactions, ce qu’il fera à la fin du film, le spectateur ne peut longtemps lui en vouloir et compatit à son destin pitoyable. Car The Mastermind est sans doute le plus beau portrait de loser, depuis Inside Llewyn Davis des frères Coen. Dans ce film, James Moody a le génie de la lose : se coltiner ses deux enfants alors qu’il doit veiller aux détails d’un hold-up, prendre un associé qui va ensuite se faire arrêter en braquant une banque, ne pas avoir assez d’argent pour quitter une ville, etc. et nous ne vous divulgâcherons pas le reste.

Sans avoir l’air d’y toucher, Kelly Reichardt utilise un style faussement nonchalant qui nous attache à son film. Au départ, en dépit de son charme certain, il est possible de se demander pourquoi elle nous raconte cette histoire. Or, au fur et à mesure que le film va avancer, il va s’assombrir progressivement, en parallèle du contexte de la guerre du Vietnam. Reichardt montre déjà dans The Mastermind les oubliés du Rêve américain, ceux qui ne protestent pas, ceux qu’on prend pour des rebelles alors qu’ils ne le sont pas, les silencieux qui aimeraient s’en sortir et qui finissent par se perdre.

3.5

REALISATRICE:  Kelly Reichardt 
NATIONALITÉ : américaine 
GENRE : comédie, drame, film de casse
AVEC : Josh O'Connor, Alana Haim, John Magaro 
DURÉE : 1h50 
DISTRIBUTEUR : Condor Distribution 
SORTIE LE Prochainement