En France, comme écrivait Beaumarchais dans Le Mariage de Figaro, tout finit par des chansons. Depuis Jacques Demy, l’art de la comédie musicale est presque un art à la française. Le confinement a accentué cette tendance. Nombre de films ont depuis tenté de réenchanter la vie par la grâce de chansons, avec plus ou moins de réussite : Don Juan, Tralala, Le Divorce de mes marrants, Les Goûts et les couleurs, La Grande Magie. Joli Joli représente donc le dernier avatar de cette tendance, tout aussi prégnante que celle du film de procès dans le cinéma français contemporain. Diastème y emprunte le musicien Alex Beaupain, souvent associé aux films en chansons de Christophe Honoré (Les Chansons d’amour, Les Bien-aimés).
De Paris à Rome dans les années 70, le destin d’un écrivain fauché percute celui d’une star montante du cinéma. Leur chemin vers l’amour sera semé d’embuches, de quiproquos
et de rebondissements.
Plus qu’à du cinéma, Joli Joli fait en fait penser à de la mauvaise télévision, celle de certaines émissions de Canal Plus censées nous distraire par leur ton enjoué et qui ne parviennent pas à nous arracher un sourire.
Faire des comédies musicales en France, c’est s’exposer à faire du sous-Demy. De plus, faire des comédies musicales avec Alex Beaupain, musicien attitré de Christophe Honoré, c’est risquer de faire du sous-Honoré. Disons-le franchement, Diastème, avec toute la sympathie que nous pouvons avoir pour son travail, tombe la tête la première dans ces deux travers. Le film commence ainsi par une opposition entre un écrivain fauché mais forcément génial et des fonctionnaires forcément bornés. Le reste est à l’avenant, avec une reconstitution volontairement amateur des grandes heures de Cinécitta.
Que Diastème s’inspire des thèmes mélodramatiques de Demy, pourquoi pas. Encore faudrait-il le faire avec un minimum d’inspiration du côté des chansons, inspiration qui semble avoir complètement déserté Alex Beaupain qui ne réédite pas ici la véritable réussite des Chansons d’amour, succès qui avait déjà sérieusement fané avec Les Bien-aimés. A part un titre à sauver, (heureusement c’est le principal), tout le reste sombre dans une complaisance pop qui n’échappe pas à la médiocrité mélodique.
Il ne suffit pas de montrer des personnes qui se cherchent, se croisent et se manquent pour créer une comédie musicale, ni de filmer des séquences sous la neige pour ressusciter le souvenir bienheureux des Parapluies de Cherbourg. Esthétique volontairement kitsch et désuète, thématiques dépassées, faussement loufoque et véritablement insignifiant, Joli Joli consterne par l’amateurisme de ses chorégraphies, l’inexpressivité de ses interprètes et la complaisance pop de ses mélodies qui sombrent souvent dans la médiocrité. Clara Luciani, dont nous apprécions pourtant beaucoup les chansons et le talent, aurait pu ici s’abstenir de verser dans l’art dramatique. Seuls Grégoire Ludig et Laura Felpin sauvent par leur jeu et leur énergie un film qui prend l’eau de toutes parts.
Dans le même style kitchissime, il est permis de préférer Les Reines du drame qui revisite une période plus récente de la musique et du spectacle, avec plus de dérision et de fraîcheur. Plus qu’à du cinéma, Joli Joli fait en fait penser à de la mauvaise télévision, celle de certaines émissions de Canal Plus censées nous distraire par leur ton enjoué et qui ne parviennent pas à nous arracher un sourire.
RÉALISATEUR : Diastème NATIONALITÉ : français GENRE : comédie musicale AVEC : Clara Luciani, William Lebghil, José Garcia, Laura Felpin, Grégoire Ludig, Vincent Dedienne DURÉE : 1h56 DISTRIBUTEUR : Haut et Court Distribution SORTIE LE 25 décembre 2024