On la sentait venir, l’éclosion de Laure Calamy au plus haut niveau des actrices françaises. Depuis une dizaine d’années, assumant sans complexes une carrière de cinéma sur le tard, elle a collectionné les seconds rôles, les illuminant de son sourire ensoleillé et de son tempérament explosif, en particulier dans Victoria, Ava, Sibyl, et surtout gagnant une popularité monstrueuse grâce au rôle de Noémie, la petite secrétaire adultère mais fleur bleue de la série Dix pour Cent. L’éclosion devait fatalement arriver. C’est chose faite maintenant par Antoinette dans les Cévennes, parfait véhicule d’accession à la pleine lumière pour Laure Calamy, sa nature solaire, sa singularité étincelante et son optimisme à toute épreuve.
Antoinette dans les Cévennes, parfait véhicule d’accession à la pleine lumière pour Laure Calamy, sa nature solaire, sa singularité étincelante et son optimisme à toute épreuve.
Antoinette, petite institutrice sexy, rêve de partir en vacances avec son amant Vladimir, homme pourtant marié. Pour les vacances d’été, il décide finalement de partir avec sa femme et sa fille en randonnée dans les Cévennes. Antoinette ne se décourage pas et part au même endroit, retrouvant dans un premier temps en guise de Vladimir, un âne, Patrick, qui sera son grand compagnon pour les vacances…
Du fait de la nature enthousiaste de son personnage principal, Antoinette dans les Cévennes relève du feel-good movie. Antoinette, petit bout de femme diablement sexy, ne doute de rien et se permet tout, comme clamer dès l’introduction du film son amour interdit par chanson interposée (Amoureuse de Véronique Sanson), interprétée par la chorale de sa classe, devant tous les parents d’élèves, y compris son amant adultérin, Vladimir, accompagné pour l’occasion de sa femme. Amoureuse, Antoinette croit l’être, mais malheureusement d’une personne qui ne la mérite pas. Or, si Antoinette dans les Cévennes n’est sans doute pas un film exceptionnel, il brille incontestablement par sa singularité, sorte de rencontre improbable entre Le Rayon vert (on y croise Marie Rivière) et Rio Bravo (on y entend la fameuse chanson de Dean Martin). Car Antoinette ne sait pas qu’elle est seule, le film masquant cet état de fait par son tandem comique avec un âne joliment prénommé Patrick (Bruel s’en souviendra). Mais elle l’est incontestablement, se croyant amoureuse d’un type pour qui elle ne représente pas grand’chose. Tout comme Delphine du Rayon vert, elle est en fait à la recherche du grand amour mais croit l’avoir déjà trouvé alors qu’il s’agit d’un leurre. Elle tombera ensuite dans les bras d’un motard lors d’une relation sans conséquence, avant que Patrick ne lui désigne enfin la bonne solution. On peut donc déchiffrer Antoinette dans les Cévennes comme une relecture ensoleillée et rurale du Rayon vert d’Eric Rohmer, un western champêtre dépourvu d’antagoniste, hormis un âne parfois récalcitrant, à la grande différence que Antoinette se révèle assez libre sexuellement parlant et qu’elle n’imagine pas un seul instant pâtir de sa solitude intrinsèque.
Mais si Antoinette dans les Cévennes, feel-good movie sans prétention, reste dans les mémoires, c’est non par la singularité de sa mise en scène (Caroline Vignal effectue un travail de bonne facture sage et classique) mais par celle de son projet, filmant pour l’essentiel une femme et son âne dans le paysage majestueux et éminemment cinématographique des Cévennes. C’est aussi et surtout un festival Laure Calamy qui se trouve dans toutes les scènes, irradiant de sa bonté naturelle, de son optimisme indécrottable, ne doutant jamais de sa bonne étoile. C’est sans doute pour elle, et son bain de bienveillance, que les spectateurs se sont déplacés et continuent à le faire, dans le contexte dramatique que nous vivons, faisant de Antoinette dans les Cévennes, le plus grand succès au cinéma en France, derrière Tenet de Christopher Nolan. Un bain de fraîcheur, un parfait antidote en pleine nature, – une nature cette fois-ci accueillante et bienfaisante- à la morosité actuelle.