Ordinaire. Super ? Voyons voir. Le film semble vouloir illustrer la chanson qui se fait entendre au départ et à l’arrivée (Ordinaire, donc). Elle a beau être riche à millions, et habiter une immense baraque à Las Vegas — amusante scène où elle se perd dedans, tellement c’est grand —, Céline Dion, enfin Aline Dieu, n’est rien d’autre qu’un être humain comme vous et moi, rien qu’une femme dont les élans et les désirs sont les mêmes que les nôtres. Amoureuse de son manager, elle voudra l’épouser envers et contre tout. Heureuse en ménage, elle voudra des enfants, envers et contre tout elle en aura, et elle les aimera. Elle aime chanter, elle a un don mais elle ne se la raconte pas, ni trop bête ni trop intelligente elle a trouvé sa voie dans la voix, ce qui fait que tout va.
Ce qu’il y a de bien, c’est que le film aplanit en quelque sorte tous les obstacles — success story en mode sans échec —, ainsi que toute monstruosité — love story avec le producteur qui a plus que l’âge d’être son père, c’est en apparence tout ce qu’il y a de scabreux, mais en apparence seulement, car cet amour est sincère et beau, et devant cette évidence le monde entier, y compris Maman Dieu, rend bien vite les armes. Je dis que la monstruosité est aplanie, cependant elle n’est pas éludée — cf. le visage de Valérie Lemercier incrusté numériquement sur la tête du personnage, et ce à tout âge. C’est peut-être dans cette ambivalence (plutôt que contradiction) que se trouve la réussite du film. Céline, enfin Aline, est un être humain comme vous et moi, elle est donc aussi à ce titre, comme nous tous, un monstre.
Ces considérations, auxquelles s’ajoute le fait que le film constitue par ailleurs un émouvant éloge de la fidélité, ne m’ont pas empêché de le trouver un poil longuet, mais — ambivalence, encore — en y réfléchissant, je me demande où sont passées les deux heures qu‘il dure. Par exemple, la maladie et la mort de René Angélil, enfin Guy-Claude Kamar, sont expédiées en quelques plans, avec une pudeur qui confine à l’élégance. Permettez-moi de formuler pour conclure une dernière remarque d’ordre pratico-pratique. Même en cas de détestation de la variété québécoise en général, et céline-dionesque en particulier, ça se regarde sans poussée d’urticaire — le film ayant la sagesse d’alterner les fastidieux hits de la star avec un certain nombre de classiques moins clivants. Du reste, rien ne vous empêche d’enchaîner avec un petit Stockhausen bien choisi pour vous remettre de vos émotions, eh.