Orelsan et Clara Choï dans Yoroï.

Yoroï : perdu d’avance ?

Orelsan (ou Aurélien pour les intimes) n’est pas le premier à se mettre en scène dans un film de fiction sur lui-même. Les Beatles (avec Hard Day’s Night, Help! et Yellow Submarine) ou Michael Jackson (avec Thriller et Moonwalker) se sont attelés à l’exercice avant lui, avec plus ou moins de succès. Comme ces derniers, Orelsan n’est pas qu’un artiste populaire. À son échelle, il est un objet culturel à part entière tant il a su marquer toute une génération par ses morceaux et ses rôles sur le petit comme le grand écran (Bloqués, One Punch Man, Comment c’est loin). Deux ans après un caméo anecdotique dans le navrant Astérix de Guillaume Canet, l’artiste est de retour au cinéma dans son propre rôle avec Yoroï, un film d’action coécrit avec David Tomaszewski, également à la réalisation. Pur produit des années 80/90, Orelsan mêle dans ce nouveau projet des références au Club Dorothée (Les Chevaliers du Zodiaque, Dragon Ball Z) avec des clins d’oeil aux classiques du film de kung-fu (Bloodsport, La fureur du dragon) tout en conservant une touche d’humour à sa sauce. Malgré une volonté de bien faire, rendant le film plutôt plaisant, Yoroï dépasse difficilement le stade d’œuvre anecdotique. Si l’on peut saluer les auteurs d’avoir évité l’écueil du film promotionnel en vue d’un nouvel album, on peut s’interroger sur la pertinence d’un long-métrage à la portée introspective mais qui préfère rester en surface sur presque tous les sujets qu’il traite. 

À la suite d’une tournée éprouvante, Orelsan décide d’emménager dans la campagne japonaise avec sa femme Nanako, enceinte de leur premier enfant. Le couple jette son dévolu sur une maison traditionnelle dans laquelle se trouve un mystérieux puits. Un soir, Aurélien y trouve une armure ancestrale qui va attirer de dangereuses créatures, les Yokaïs. 

Les monstres, au design assez réussi pour certains, manquent de crédibilité en mouvement et semblent davantage certains sortis d’une vidéo YouTube bien ficelée plutôt que d’un film de cinéma.

L’idée de voir Orelsan en armure affronter des monstres nuit après nuit semble assez décalée pour être convaincante. C’est étonnamment le cas. Les scènes d’action fonctionnent et le duo Aurélien Cotentin/Clara Choï est à la hauteur, l’actrice étant la révélation du film. Son dynamisme et sa sincérité à l’écran détonnent parfaitement avec le caractère blasé d’un Orelsan qu’on ne connaît que trop bien. L’énergie du couple permet une bonne structuration du récit, qui oscille entre scènes de baston, moments détente propices à l’humour et séquences d’introspection sur le poids des responsabilités et l’arrivée d’un enfant dans une famille. Seul bémol : l’indifférence flagrante du personnage d’Orelsan à toutes les péripéties qu’il traverse. Si l’acteur parvient à faire transparaître quelques rares émotions en dehors de son attitude nonchalante lors de certaines scènes, il reste blasé sur les deux tiers du film, ce qui n’aidera pas les néophytes du rappeur et de son univers. 

Ça ne s’arrange pas du côté des effets spéciaux utilisés pour insuffler de la crédibilité aux fameux Yokaïs – représentant chacun l’un des vices du rappeur – qui s’attaquent aux protagonistes tout du long. Les monstres, au design assez réussi pour certains, manquent de crédibilité en mouvement et semblent davantage certains sortis d’une vidéo YouTube bien ficelée plutôt que d’un film de cinéma. Ce rendu bancal à l’écran explique peut-être l’absence des créatures de la dernière partie, où la menace devient une sorte de double maléfique du rappeur. 

Le dénouement apporte son lot de réflexions de comptoir sur le sens des responsabilités, alors qu’Orelsan se retrouve face à ce qu’il aurait pu devenir en suivant la voie de l’arrogance et de l’égoïsme face au succès. À cela le rappeur y oppose les pouvoirs de l’amour, comme un hommage aux Shōnens dont les scénarios tiennent parfois à peu de choses. Pas désagréable mais dispensable, Yoroï a le mérite de proposer des scènes d’action divertissantes tout en évitant le plus gros travers des films centrés mettant en scène une star : faire son autopromo. Les chansons du rappeur se comptent à peine sur les doigts de la main pour laisser la place à d’autres artistes et surtout faire la part belle au récit.

2.5

RÉALISATEUR : David Tomaszewski
NATIONALITÉ : France
GENRE : Action, Comédie
AVEC : Orelsan, Clara Choï, Kazuya Tanabe
DURÉE : 1h55
DISTRIBUTEUR : Sony Pictures Releasing France
SORTIE LE 29 octobre 2025