Astérix et Obélix : l’Empire du Milieu : chronique d’une daube annoncée

Il est bien loin le temps où Guillaume Canet faisait office de golden boy du cinéma français : cette remonte à 2006 lorsqu’il reçut le César du meilleur metteur en scène pour Ne le dis à personne, immense succès public. Une carrière prometteuse d’auteur-réalisateur semblait s’ouvrir devant lui. Elle s’enlisa assez vite dans des Petits mouchoirs lacrymaux. Pourtant au fil des années, Guillaume Canet n’a pas renoncé à ses prétentions d’auteur : il a réalisé Blood Ties coécrit avec James Gray, qui ressemblait à du…James Gray. Son dernier film vraiment intéressant était sans doute Rock n’roll, où il radiographiait sa relation à la célébrité, à la jeunesse et à son couple-vedette formé avec Marion Cotillard, et faisait preuve d’une verve satirique bienvenue. On jettera en revanche un voile pudique sur Lui, introspection bergmanienne qui n’a guère convaincu. Les grandes productions françaises ont ainsi pour réflexe de confier à d’ex-golden boys des franchises en perte de vitesse : OSS 117 pour Nicolas Bedos, Astérix et Obélix pour Guillaume Canet. Visuellement très laid, peu investi par ses acteurs principaux qui ne font même l’effort minimal de croire à leurs personnages, Astérix et Obélix : L’Empire du milieu représente une franchise à bout de souffle qui parvient tout juste à arracher quelques sourires par des idées de distribution.

Nous sommes en 50 avant J.C. L’Impératrice de Chine est emprisonnée suite à un coup d’état fomenté par Deng Tsin Quin, un prince félon. Aidée par Graindemaïs, le marchand phénicien, et par sa fidèle guerrière Tat Han, la princesse Fu Yi, fille unique de l’impératrice, s’enfuit en Gaule pour demander de l’aide aux deux valeureux guerriers Astérix et Obélix, dotés d’une force surhumaine grâce à leur potion magique. Nos deux inséparables Gaulois acceptent bien sûr de venir en aide à la Princesse pour sauver sa mère et libérer son pays. Et les voici tous en route pour une grande aventure vers la Chine. Mais César et sa puissante armée, toujours en soif de conquêtes, ont eux aussi pris la direction de l’Empire du Milieu…

Visuellement très laid, peu investi par ses acteurs principaux qui ne font même l’effort minimal de croire à leurs personnages, Astérix et Obélix : L’Empire du milieu représente une franchise à bout de souffle qui parvient tout juste à arracher quelques sourires par des idées de distribution.

En s’emparant de la franchise Astérix et Obélix, Guillaume Canet ne semble pas avoir eu d’idée directrice, sinon de parodier et de copier. Le film se contente donc de glisser des clins d’oeil moyennement drôles entre chaque caméo de vedette invitée : un personnage appelé Deng Tsin Qin (prononcez Dancing Queen, le titre d’une des meilleures chansons d’Abba), un autre nommé Antivirus (incarné par le footballeur Zlatan Ibrahimović), des extraits de chansons fredonnés (L’Hymne à l’amour en hommage à Piaf-Cotillard) ou réutilisés jusqu’à plus soif (Say you, say me de Lionel Ritchie pour tous les regards d’amour), des citations cinématographiques (Matrix de Wachowski et Les Aventuriers de l’arche perdue de Spielberg, pour toutes les séquences d’action et de combat, Game of Thrones et sa bataille des Bâtards pour la grande bataille finale et ô surprise un extrait de la sublime B.O. signée par Ennio Morricone d’ Il était une fois en Amérique de Sergio Leone où Canet se permet de parodier sans la moindre honte via Vincent Cassel le dernier plan en contre-plongée de ce chef-d’oeuvre du cinéma). Par conséquent, tous les clins d’oeil tombent régulièrement à plat dans ce melting-pot d’influences dénué de la plus infime personnalité et de plus, visuellement très laid et artificiel. Rarement le numérique recréant des paysages censés être de Chine aura été aussi insignifiant, rarement la mise en scène aura été aussi inexistante, à peine inspirée par un exotisme de pacotille.

Astérix et Obélix : L’Empire du milieu ressemble davantage à un aimable et sympathique spectacle de patronage qu’à une véritable oeuvre cinématographique. Dans les rôles de César et Cléopâtre, Vincent Cassel et Marion Cotillard jouent à fond le registre de la parodie tous azimuts. Quant au duo vedette, Guillaume Canet (Astérix) et Gilles Lellouche (Obélix) semblent à peine investis par leurs personnages, mettant en scène une relation d’amitié dévitalisée. Que peut-on alors sauver d’un désastre aussi patent? Les cameos de vedettes qui, du moins, pour moitié, assurent le spectacle. La première moitié semble être tout d’abord constituée de personnalités du monde du spectacle (Angèle, Orelsan, Ibrahimović, Bigflo et Oli, Mcfly et Carlito), sympathiques mais qui ont encore à faire leurs preuves en tant que comédiens. Pour les fans d’Angèle, mentionnons qu’elle apparaît moins d’une minute au début et moins de deux à la fin ; pour ceux d’Orelsan, sa participation se limite à deux scènes se trouvant au milieu du film. Seul M. se contente d’assurer efficacement sa partie uniquement musicale, en ayant l’intelligence de n’avoir aucun dialogue. L’intérêt du film se situe en fait essentiellement dans les rôles secondaires qui parviennent à faire imaginer ce qu’aurait pu être le film, s’il avait été réussi : José Garcia, toujours excellentissime et qui semble vraiment y croire, Phillipe Katerine idéal dans le rôle du barde Assurancetourix qui paraît avoir été écrit pour lui, et Pierre Richard en druide Panoramix, à la présence discrète mais émouvante.

Contrairement à Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre qui dressait les lieux d’un certain état de la comédie française et célébrait l’esprit Canal Plus alors triomphant, Astérix et Obélix : l’Empire du Milieu ne témoigne de rien sinon d’une vacuité d’inspiration inquiétante pour les blockbusters français qui n’arrivent pas à la cheville de leurs concurrents américains. La différence réside sans doute dans le fait que Guillaume Canet, contrairement à Alain Chabat, n’a jamais été un vrai comique et ne témoigne d’aucun attachement particulier à la bande dessinée d’Uderzo et Goscinny. On aurait pu espérer que cet Astérix et Obélix se signalerait par un état des lieux d’un nouveau style de comique, incarné par Blanche Gardin et Marina Foïs, qui s’est en fait réfugié en masse chez Quentin Dupieux, il n’en est rien, ce sera peut-être pour la prochaine fois. Guillaume Canet a dédié ce film à ses enfants, espérons au moins qu’ils seront heureux en le voyant.

0.5

RÉALISATEUR :   Guillaume Canet 
NATIONALITÉ : française 
GENRE :  Comédie, aventure
AVEC : Guillaume Canet, Gilles Lellouche, Vincent Cassel, Jonathan Cohen, Marion Cotillard
DURÉE : 1h51 
DISTRIBUTEUR : Pathé 
SORTIE LE 1er février 2022