Woman and child : résiste, prouve que tu existes

On a essayé d’opposer un peu stérilement les cinéastes iraniens dissidents et ceux qui produisent leurs films avec l’agrément du régime iranien. Cela a été le cas lors du 78ème Festival de Cannes lorsque la polémique a enflé, voulant mettre face-à-face Jafar Panahi, vétéran du cinéma iranien, et Saaed Roustaee, révélation récente du cinéma, benjamin de la compétition du Festival (35 ans comparés aux 38 ans d’Ari Aster et Hafsia Herzi). Cette polémique, une de plus, s’est bien entendu avérée vaine, tant il suffit de regarder les films de Roustaee pour y voir une critique certes discrète mais néanmoins réellement existante du régime en place, en particulier sur la place des femmes. Woman and child en est un exemple particulièrement frappant, tant le film se centre sur des figures féminines opprimées par la masculinité toxique et le système patriarcal iranien.

Une infirmière veuve de 45 ans nommée Mahnaz (Prinaz Izadyar) élève seule ses enfants et se bat avec son fils rebelle. Alors qu’elle s’apprête à épouser son fiancé, Hamid, son fils Aliyar est renvoyé de l’école. Lorsqu’un accident tragique bouleverse tout, Mahnaz se lance à la recherche de justice et d’indemnisation.

Woman and child est un exemple particulièrement frappant, tant le film se centre sur des figures féminines opprimées par la masculinité toxique et le système patriarcal iranien.

Saeed Roustaee s’est fait remarquer avec son deuxième film La Loi de Téhéran, un polar musclé et très masculin, sur la drogue et les ripoux, primé au Festival de Reims Polar. Depuis il a réalisé une fresque familiale Leila et ses frères, snobée en dépit de sa qualité par le jury du Festival de Cannes 2022. Il se murmure que l’opposition d’Asghar Farhadi ne serait pas innocente dans cette non-récompense. De retour sur la Croisette, Roustaee propose une oeuvre résolument féministe, tournée du point de vue des personnages féminins, même si ces personnages portent le voile, conformément à la réglementation de la vie en Iran. Roustaee se voit surtout reprocher d’avoir accepté de voiler ses actrices y compris en intérieur.

Pourtant à son début, le film se focalise surtout sur un gamin, voyou très charismatique, sorte d’Antoine Doinel iranien. Faisant ses quatre cents coups (se faire renvoyer de son établissement, bloquer le portail de l’entrée du collège, etc), il en fait voir de toutes les couleurs à sa mère qui entretient une relation avec un ambulancier, sans s’apercevoir qu’il lorgne d’assez près sur sa jeune soeur. Mais un événement survient qui va changer la donne et bouleverser toutes les relations entre les personnages; Dès lors commencera pour Mahnaz un combat pour faire valoir la justice contre le droit. Roustaee en profite pour approfondir les arcanes de la société iranienne, tout en montrant la différence entre immoralité et illégalité.

Roustaee procède par mini-enchaînements scénaristiques, de cause à effet, – la perfidie d’un fiancé volage, l’agacement d’un surveillant de collège, la négligence d’un grand-père -, pour dresser tout un système patriarcal contre une femme qui, bien que suicidaire, parvient à maintenir sa barque à flot pour élever son foyer. Dans Woman and child, il déploie une grande énergie de mise en scène et une belle maestria de direction d’acteurs (Parinaz Izadyar, Payman Maadi) pour mettre en place cette confrontation a priori inégale. Moins métaphorique que Panahi, plus concret que Farhadi, Roustaee, à seulement trente-cinq ans, s’est déjà créé une place de choix dans le cinéma iranien, place que Woman and child confirme au-delà des attentes.

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RÉALISATEUR : Saeed Roustaee 
NATIONALITÉ :  iranienne
GENRE : drame 
AVEC : Parinaz Izadyar, Sinan Mohebi, Payman Maadi 
DURÉE : 2h11
DISTRIBUTEUR : Diaphana Distribution 
SORTIE LE Prochainement