Ariane Louis-Seize a présenté ce premier long métrage à la Mostra de Venise 2023, où elle a obtenu le prix de la meilleure réalisation dans la section Giornate degli Autori. Également récompensé par l’Oeil d’Or du film international au PIFFF 2023, Vampire humaniste cherche suicidaire consentant arrive sur les écrans français dès le 20 mars, avec un parcours déjà auréolé de distinctions. Dracula n’a qu’à bien se tenir, la relecture dynamique et moderne du mythe du vampire montre de belles dents crochues et d’irrépressibles envies de planter les crocs. La cinéaste québécoise réalise une œuvre saignante, mais humaniste, avec une Sara Montpetit brillante dans ce rôle de jeune femme rebelle et humaine.
Sasha est une jeune vampire avec un grave problème : elle est trop humaniste pour mordre ! Lorsque ses parents, exaspérés, décident de lui couper les vivres, sa survie est menacée. Heureusement pour elle, Sasha fait la rencontre de Paul, un adolescent solitaire aux comportements suicidaires qui consent à lui offrir sa vie. Ce qui devait être un échange de bons procédés se transforme alors en épopée nocturne durant laquelle les deux nouveaux amis chercheront à réaliser les dernières volontés de Paul avant le lever du soleil.
Ariane Louis-Seize propose un mélange détonant, avec ce grain de folie propre au cinéma québécois et de fortes tentations horrifiques bien prononcées, pour le plus grand plaisir des amateurs de fable gothique et comique.
Loin de la représentation classique du vampire, telle que vue dans Dracula ou Vampires, vous avez dit vampires, ce film tout à fait réjouissant oppose deux mondes diamétralement différents. D’un côté, une famille en permanence assoiffée de sang, constamment en chasse, de l’autre un jeune homme suicidaire qui cherche à fuir un quotidien monotone rythmé par le rejet social et les brimades. Entre les deux, se trouve Sasha, une adolescente dont les crocs ne sortent pas et qui ne ressent pas un goût immodéré pour le plaisir de la chair fraîche. Se contentant de boire des pochettes de sang, elle observe cette petite clique de chasseurs s’adonner à cette fameuse quête du liquide rouge qui leur ravit les papilles. Ariane Louis-Seize décrit un univers aux portes du fantastique et de l’horreur, et démystifie complètement l’image du vampire en proposant une vision moins repoussante et plus humaniste. Cette relecture originale redonne un nouveau souffle bienvenu à un mythe vieillissant maintes fois évoqué au cinéma. Cette fois-ci, il n’est plus question d’effusions sanguinolentes, mais bien de générosité humaine. Quand cette jeune vampire rencontre son suicidaire consentant, l’association semble idéale pour ce Paul qui voit en Sasha une manière d’abréger ses souffrances mentales. Aux antipodes du personnage de Vlad Tepes, cette fille taiseuse se révèle attachante quand elle se transforme en amoureuse prête à assouvir les moindres désirs morbides.
Il ne s’agit pas ici de planter un pieu dans le cœur, mais plutôt de décrire les battements d’un organe. Le film est aussi une histoire d’amour improbable mais romantique, entre deux êtres entourés de tentations mortifères.
Vampire humaniste cherche suicidaire consentant est parfaitement dans la veine d’un cinéma québécois revigoré, alternant entre une folie douce et un humour typique de ce pays. Alors que Le Plongeur de Francis Leclerc pêchait par sa froideur, ce long-métrage dont l’ironie se rapproche de celle du film On dirait la planète Mars, sait mettre des émotions au bon moment et ne pas se cantonner aux quelques saillies humoristiques caractéristiques du cinéma du Québec. L’œuvre déroule un récit très humain, symbolisé par ce binôme que tout oppose, mais dans lequel s’instaure une connexion sociale dominée par les sentiments amoureux et par un humanisme débordant. Bien sûr, le personnage féminin, à la fois énigmatique et fascinant, révèle son empathie face à son acolyte masculin si timide et fragile. En cela, le film dérive souvent vers la comédie sentimentale, et Ariane Louis-Seize concocte un résultat hautement sympathique, qui contribue à dénaturer délicieusement cette image de créature horrifique. Surtout, la cinéaste privilégie l’aspect émotionnel, pour concevoir sans doute une réflexion sur les liens du sang, l’humanité et surtout l’inhumanité de la société où il ne fait pas bon être différent. La problématique sociale est latente dans ce film, tant il est question de suicide et de meurtres. C’est peut-être l’une des premières fois que le vampirisme revêt une dimension sociétale.
RÉALISATEUR : Ariane Louis-Seize NATIONALITÉ : Canadienne GENRE : Comédie horrifique AVEC : Sara Montpetit, Félix-Antoine Bénard DURÉE : 1h30 DISTRIBUTEUR : Wayna Pitch SORTIE LE 20 mars 2024