Une vie ordinaire du réalisateur russe Alexander Kusnetsov est une suite à son précédent documentaire, Manuel de libération (2016) — une observation minutieuse des jeunes orphelines placées par erreur dans un internat pour malades mentaux. Comme le suggérait l’autre titre du premier film, « tout ira bien », Manuel de libération transmet difficilement son ton optimiste à son héritier, car Une vie ordinaire est fortement marqué par l’invasion à grande échelle de l’Ukraine en 2022 et, parallèlement aux interrogations de l’auteur sur la manière dont cela a pu se produire, l’essence même du film transparaît : on peut sortir une personne d’un hôpital psychiatrique, mais on ne peut pas sortir l’hôpital psychiatrique de la personne.
Le réalisateur a commencé à filmer ses héroïnes en 2009, et si, dans la première partie, Kusnetsov ne se contentait pas d’observer mais intervenait aussi auprès de ses personnages, les aidant à sortir de l’internat et à commencer une vie normale, plus tard, dans Une vie ordinaire, il se contente de suivre les jalons de la vie de ces femmes et offre un portrait intact de l’électorat russe moderne — militariste jusqu’au cœur, prolifique et fasciné par une poésie qui n’a rien à voir avec lui.
Ainsi, s’il y a quelque chose de remarquable dans ce film, cela peut être attribué à l’observation détaillée — et autrement difficilement accessible — de la vie quotidienne dans la Russie contemporaine.
Ainsi, s’il y a quelque chose de remarquable dans ce film, cela peut être attribué à l’observation détaillée — et autrement difficilement accessible — de la vie quotidienne dans la Russie contemporaine. Et même si le réalisateur a ajouté ses commentaires en voix off, principalement pour s’interroger et questionner comment ils (vraisemblablement, l’intelligentsia libérale russe) ont pu permettre que la guerre éclate, ces interrogations erratiques paraissent plutôt pathétiques — surtout en comparaison avec les déclarations franches des personnages principaux. Entendre la voix de l’auteur moins forte et moins puissante que celle de ses personnages discutables — probablement la seule caractéristique véritablement remarquable du film.
Pour le reste, Une vie ordinaire ne vise ni les films expérimentaux qui utilisent le suivi à long terme pour une recherche approfondie, ni ne sublime l’étrangeté de la vie russe actuelle en métaphore ultime, comme c’est le cas dans les films de Rastorguev. Finalement, bien qu’il ait été remarqué dans deux festivals francophones importants, ce film n’apporte cependant aucune nouveauté et reste plutôt une simple empreinte documentaire de l’époque.
Finalement, que peut offrir ce film coproduit par la France sur la Russie contemporaine au public européen ? Très probablement, Une vie ordinaire peut rappeler au spectateur que la Russie est elle-même un asile de fous, mais cette prophétie existe depuis plus d’un siècle déjà — depuis la Salle n°6 de Tchekhov — et n’a guère trouvé dans Une vie ordinaire une réinterprétation réellement extraordinaire ou attrayante.
RÉALISATEUR : Alexander Kusnetsov NATIONALITÉ : France, Suisse, U.S.A. GENRE : Documentaire AVEC : Alexander Kusnetsov DURÉE : 1h 34min DISTRIBUTEUR : Notre Distribution SORTIE LE 29 octobre 2025


