The Shameless : la loi de la prostitution en Inde

Le cinéaste bulgare Konstantin Bojanov revient sur la Croisette treize ans après la présentation de Ave à la Semaine de la Critique. Son nouveau film, The Shameless, inclus dans la sélection Un Certain Regard du Festival de Cannes 2024, donne un coup de projecteur sur la situation désastreuse des prostituées indiennes, livrées à elles-mêmes et souvent exploitées par leur propre famille. The Shameless représente une critique d’un système brutal et particulièrement avilissant.

Deux femmes aux trajectoires similaires doivent subir la loi du travail sexuel, payé une misère, avec une image bien dégradante. Konstantin Bojanov sensibilise sur cette forme de traite humaine.

Renuka, alias Nadira, prostituée expérimentée et surtout blasée, rencontre Devika dans une communauté de travailleuses du sexe tenue d’une poigne de fer par des maquerelles. Une belle union se met en place entre cette femme mature, qui pratique ce métier dégradant, et une jeune de 17 ans piégée par ces méthodes imposées par l’institution. Konstantin Bojanov relate la sévérité du quotidien, avec ces multiples passes dans des chambres miteuses et une condition plus que précaire. Le climat instauré est volontairement lugubre pour ne laisser filtrer aucune once de positivité, déroulant ainsi une critique frontale de toute une organisation dominée par le sexe et la puissance des hommes. Ceux-ci sont un peu effacés, au profit des femmes qui gèrent ce trafic juteux, dont la mère de Devika, particulièrement humiliatrice. The Shameless est une œuvre difficile à appréhender, tant elle raconte les méchancetés et les injustices endurées chaque jour. De pauvres Indiennes victimes d’une véritable exploitation sexuelle n’en peuvent plus et veulent rompre avec les règles. Rien n’est cependant facile pour s’en sortir. Le cinéaste transmet un message de sensibilisation visant à alerter sur un schéma de déshumanisation et d’emprise psychique.

Bien que la dénonciation soit juste, le style est parfois trop appuyé ou démonstratif, laissant une impression de froideur.

Tout comme Agra, une famille indienne de Kanu Behl, qui critiquait le patriarcat et avait parfois tendance à forcer le trait, The Shameless prend également cette direction et se complaît à décrire des situations de plus en plus malaisantes, en insistant sur une dramaturgie souvent lourde. L’excès dramatique crée indubitablement des émotions froides, d’autant plus que le personnage de Renuka possède une psychologie rigide, antipathique et même acariâtre. L’accumulation des galères et des tragédies finit par étouffer le film dans une seconde partie, laissant un sentiment d’oppression et un regard un peu pantois face à ces récits d’une violence psychologique importante. Le long métrage n’est pas non plus d’une grande maîtrise, contient pas mal de longueurs, et n’évite pas les clichés redondants sur la société indienne. Konstantin Bojanov délivre un film à l’ambiance trop sèche, même si la réalité est bien sûr assez compliquée. Le combat des deux femmes n’est pas assez lisible à l’écran et reste vain, comme la teneur d’un film qui n’est visiblement pas assez informatif ou argumenté, pétri de bonnes intentions, mais néanmoins bien trop excessif.

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RÉALISATEUR : Konstantin Bojanov
NATIONALITÉ :  Bulgarie, France, Suisse
GENRE : Drame
AVEC : Mita Vashisht, Tanmay Dhanania, Omara
DURÉE : 1h54
DISTRIBUTEUR : 
SORTIE LE