The Crown saison 5 : la monarchie dans la tourmente

Chaque nouvelle saison de The Crown est un événement, en particulier quand un renouvellement de casting est constaté comme c’est le cas cette année – chacun y allant de son petit commentaire sur la ressemblance physique entre les acteurs et les figures historiques qu’ils incarnent. Après le décès du prince Philip en 2021 et celui de la reine Élisabeth II en 2022, cette cinquième saison a une saveur toute particulière, le caractère patrimonial de la série n’en devenant que plus fort.

Cette nouvelle salve d’épisodes se déroule dans les années 90, une décennie noire pour la souveraine (ici incarnée par Imelda Staunton, inoubliable Dolores Ombrage dans la saga Harry Potter) qui a pris de l’âge – ce que l’opinion publique et son entourage ne manquent pas de lui faire remarquer – et qui expérimente de sévères désillusions. Le château de Windsor, symbole de la monarchie, est détruit par les flammes et toutes les unions matrimoniales de la famille royale s’effondrent les unes après les autres dans un grand fracas médiatique.

Dans cette revisitation du mythe d’Oedipe, ce n’est pas le père que le prince Charles doit tuer pour exister mais bien la mère, véritable incarnation du pouvoir.

Dans cette nouvelle saison, il est moins question d’enjeux politiques que de petits drames intimistes. Outre les grandes thématiques attendues mettant en vedette Lady Di (Elizabeth Debicki, vue dans Tenet) – les tensions avec la reine, la séparation avec Charles (Dominic West des séries The Wire et The Affair) et l’interview choc donnée à la BBC – on assiste à un certain nombre d’intrigues secondaires quelque peu anecdotiques. On peut citer, en exemple, la relation ambiguë antre le prince Philip (Jonathan Pryce, premier rôle dans Brazil) et Penny Knatchbull (Natascha McElhone, découverte dans The Truman Show) qui s’étale sur plusieurs épisodes ou les retrouvailles entre la princesse Margaret (Lesley Manville, Phantom Thread) et son amour de jeunesse, le pilote Peter Townsend (Timothy Dalton, ex 007), dans l’épisode 4 Annus Horribilis. Si ces histoires témoignent, une nouvelle fois, des amours contrariées et des difficultés relationnelles au sein de la famille royale, elles sont aussi un frein à l’intrigue principale et une digression parfaitement dispensable.

Alors que l’on s’attendait à ce que cette nouvelle saison s’articule principalement autour de l’affrontement Lady Di/Élisabeth II, ce conflit est vite évacué au profit d’un autre plus profond mettant en lumière une forte rivalité mère/fils. Le prince Charles, supportant de moins en moins son statut de « roi en attente», pousse la reine vers la sortie de manière ostensible. Dans cette revisitation du mythe d’Oedipe, ce n’est pas le père que le prince doit tuer pour exister mais bien la mère, véritable incarnation du pouvoir. Encore une fois, le créateur, Peter Morgan (scénariste des films Le dernier Roi d’Écosse, The Queen et Rush), a su réunir un casting exceptionnel pour donner vie à cette grande histoire familiale. Le trio mythique Diana, Charles et Élisabeth II fait des étincelles et se trouve divinement complété par Olivia Williams (The Ghost Writer) qui interprète le rôle de Camilla Parker Bowles.

Bien que le scénario connaisse quelques temps morts, la qualité de la reconstitution historique et de la mise en scène de The Crown reste constante. Pour preuve, le montage alterné présent dans deux scènes clés de cette cinquième saison : la glaçante séquence d’ouverture de l’épisode 6 Ipatiev House, qui nous révèle l’assassinat de la famille Romanov en 1917 en Russie et, en parallèle, la partie de chasse insouciante du roi George V en Angleterre, qui a fait le choix de ne pas les sauver. Ou bien encore, le tournage de la BBC dans les appartements privés de la princesse Diana, entrecoupé par des images du feu d’artifice de la Nuit de Guy Fawkes où se trouve le reste de la famille royale, dans l’épisode 8 Gunpowder, allégorie du caractère explosif de ce témoignage sur la monarchie.

Loin de faire l’unanimité, cette cinquième saison nous donne pourtant à voir un tournant décisif dans l’histoire de la royauté britannique, celui de la fin de l’Age d’or de la monarchie et de la chute imminente de sa figure iconique, la reine Élisabeth II. Nul doute que la sixième saison, dont l’intrigue devrait porter en grand partie sur la relation entre Lady Di et Dodi Al-Fayed et la mort tragique de la princesse, fera encore couler beaucoup d’encre.

3.5

CRÉATEUR : Peter Morgan 
NATIONALITÉ : Américano-britannique
AVEC : Imelda Staunton, Elizabeth Debicki, Dominic West, Olivia Williams, Jonathan Pryce, Natascha McElhone, Lesley Manville
DURÉE : 10x 49-58mn
DIFFUSEUR : Netflix
SORTIE LE 9 novembre 2022