Tatami : un combat sans merci contre le terrorisme d’Etat

Ce film est le produit d’une collaboration entre deux réalisateurs dont l’un est israélien (Guy Nattiv) et l’autre franco-iranienne née à Téhéran (Zar Amir Ebrahimi) mais réfugiée en France (en 2008) et ayant obtenu la nationalité française en 2017, suite à une sombre affaire de sextape pour laquelle elle risquait la prison ainsi que cent coups de fouet dans son pays. Actrice à l’origine, elle s’est depuis illustrée en obtenant le prix d’interprétation féminine à Cannes 2022 pour son rôle dans le très beau Les nuits de Mashhad où elle joue le rôle d’une journaliste enquêtant sur le meurtre de plusieurs prostituées dans la ville éponyme, ce qui n’a pas manqué de provoquer une réaction virulente de la part du Ministère iranien de la culture et de l’orientation islamique condamnant le festival pour lui avoir décerné ce prix, le qualifiant de « décision insultante et politiquement motivée« .  Une femme libre et engagée donc, trop libre pour le régime patriarcal iranien en tous cas. Et c’est cet engagement qu’elle met au service du cinéma dans ce film, dénonçant l’absurdité et le terrorisme du système théocratique de son pays d’origine.

En effet, Leila est une judokate iranienne prêt à affronter ses concurrentes d’autres pays au championnat du monde de judo qui a lieu à Tbilissi en Géorgie. Elle est accompagnée pour cela de son entraîneuse Maryam Ghanbari, elle-même ancienne gloire du judo, qui la manage, l’encourage, persuadée qu’elle peut emporter la médaille d’or. Oui mais voilà, Leila fait si bien les choses qu’elle en vient à un moment de son parcours où elle risque de croiser sur son chemin son adversaire israélienne. Et cela n’est pas acceptable pour les autorités israéliennes, à commencer par la fédération nationale de judo qui prévient Maryam de faire en sorte que son élève abandonne en simulant une blessure avant le combat fatal. S’engage alors en coulisses un combat de Leila contre les forces qui la poussent à quitter la compétition qui n’est que le pendant de celui qu’elle livre sur le tatami. Le rythme de plus en plus accéléré du montage ainsi qu’une caméra toujours en mouvement, parfois au plus près des personnages filmés en gros plan traduisent la pression croissante mise sur Leila d’une part par le rythme de la compétition – les combats s’enchaînent rapidement – et d’autre part par les autorités iraniennes pour la faire céder. Moment de bravoure esthétique qui fait accélérer le pouls du spectateur à l’unisson du personnage du film.

Le rythme de plus en plus accéléré du montage ainsi qu’une caméra toujours en mouvement, parfois au plus près des personnages filmés en gros plan traduisent la pression croissante mise sur Leila d’une part par le rythme de la compétition – les combats s’enchaînent rapidement – et d’autre part par les autorités iraniennes pour la faire céder.

Si les pressions s’exercent d’abord via le téléphone portable respectif des interlocuteurs, celui de Maryam et du président de la fédération d’abord, cette dernière souhaitant tenir à l’écart sa sportive pour la laisser se concentrer sur le combat, bien vite l’affaire remonte au plus haut de la hiérarchie jusqu’à atteindre le Guide suprême lui-même. Elle devient alors une affaire d’intérêt national de la plus haute importance. Nous quittons alors l’espace fermé de l’établissement où se déroule le concours pour nous intéresser au sort de la famille de Leila qui se voit directement menacé de représailles si cette dernière s’entête à poursuivre le championnat. Leila est en contact avec son mari Nader et prévient ce dernier en lui enjoignant de se protéger par le seul moyen dont il dispose, c’est-à-dire la fuite. Mais la milice armée capture son père et la fait chanter en menaçant de s’en prendre à lui. De lointaine, la menace se fait plus directe. Des diplomates iraniens rôdent autour du tatami et s’immiscent au sein de l’organisation. La réalisation traduit admirablement les pressions exercées sur le personnage principal par le mouvement d’envahissement de l’écran et de l’esprit de Leila actionné par les forces d’oppression.

La seconde partie du film adopte un rythme moins vif car elle s’attache surtout au dilemme auquel est confronté Leila, mais aussi son entraîneuse, et aux entrevues qu’il provoque avec les autorités du tournoi soucieuses de protéger les sportifs qui participent à la compétition. Au mouvement de concentration de l’action, succède un souffle apporté de l’extérieur dont a bien besoin la jeune femme – on la voit à genoux, sur le tatami, essoufflée par le manque de solutions au combat qu’elle mène à la fois contre son opposante et les autorités iraniennes. La conclusion ressemble à s’y méprendre au sort que connût la réalisatrice elle-même, si bien que l’on serait tenté de penser que celle-ci a mis dans son personnage beaucoup de sa propre vie. On peut lui reprocher quelques faiblesses – à commencer par ces flash-backs complètement inutiles qui font leur apparition de temps en temps au cours du récit – mais dans l’ensemble, le film est haletant, mené tambour battant, et offre une vision à la fois réaliste et effrayante du régime théocratique iranien

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RÉALISATEUR : Zar Amir Ebrahimi, Guy Nattiv
NATIONALITÉ :  Georgie, U.S.A.
GENRE : Drame
AVEC : Arienne Mandi, Zar Amir Ebrahimi, Ash Goldeh
DURÉE : 1h45
DISTRIBUTEUR : Metropolitan FilmExport
SORTIE LE 04 septembre 2024