Plus que jamais est l’histoire d’Hélène, atteinte d’une maladie grave, qui va s’enfuir en Norvège malgré l’amour que lui porte son époux. Ainsi, le film semble naître d’une volonté d’ouvrir la parole sur la mort et l’accompagnement vers celle-ci. Selon Emily Atef, son nouveau long métrage représente un film sur la vie et non sur la mort. D’après elle, le film prend son origine dans le constat choquant du silence par rapport à ce moment de vie que nous allons tous traverser, la période précédant la mort. C’est un sujet sur lequel on ne parle ni avec les personnes malades ni avec celles de notre entourage après la disparition d’un proche. Emily Atef considère ce tabou comme absurde dans la mesure où l’ensemble des individus seront tous amenés à vivre cette étape. Cette étape que nous partageons tous dans les faits, possède donc un caractère universel, dont on n’ose guère parler, alors qu’ouvrir la parole sur des choses difficiles s’avère libérateur.
La première idée d’Emily Atef dans Plus que Jamais était de se projeter dans une jeune femme qui sait pertinemment qu’elle va mourir et va trouver l’endroit idéal pour vivre cette période d’attente ; il s’ensuit alors une histoire d’amour mais qui ne représentera pas le centre de l’œuvre. Dans notre société occidentale, il faut énormément de courage à une personne malade pour dire aux vivants qu’elle souhaite partir seule et ce en grande partie à cause des vivants. En effet, Emily Atef a souhaité montrer à travers son film qu’une personne malade et en fin de vie est entourée de ses proches qui la traitent comme si elle était déjà morte, ce qui s’avère totalement étouffant. Ainsi cette personne malade va justifier son besoin de fuir son entourage qui souhaite pourtant la garder à disposition car elle doit aller le plus loin possible pour vivre dans le silence et ressentir ce qu’elle veut.
Dans notre société occidentale, il faut énormément de courage à une personne malade pour dire aux vivants qu’elle souhaite partir seule et ce en grande partie à cause des vivants.
Dans Plus que jamais, Emily Atef avait très à cœur de ne pas désigner de bon ni de méchant. Selon elle, le public doit comprendre à la fois Hélène et Mathieu qui s’aiment mais fonctionnent sur deux longueurs d’onde différentes : l’un est vivant, bien portant et avec son amour, veut garder sa bien-aimée près de lui, alors qu’elle est déjà en train de partir. Lui se bat contre le caractère inéluctable du destin parce qu’il croit que son amour l’aidera à la garder plus longtemps en vie alors que cette réaction n’est pas ce dont elle a besoin à ce moment-là. Néanmoins, la fin du film s’avère lumineuse : Mathieu offre la plus grande preuve d’amour en laissant Hélène s’en aller même si cela le déchire car c’est ce qu’elle désire.
Le film pose les questions de la liberté, des différentes options offertes à un couple, d’une forme d’indépendance de choix qui n’est pas synonyme de perte d’amour. Peut-on alors s’aimer en se séparant, en laissant l’autre s’en aller librement?
Chaque humain naît seul, meurt seul et chaque personne devrait avoir le droit de dire la manière dont elle souhaite s’en aller.
Selon Emily Atef, même si c’est difficile pour le vivant de laisser l’autre s’en aller, au moins celui qui reste saura que l’autre est parti comme il le veut et qu’il l’a aidé à faire ça. C’est en l’occurrence le vrai amour. Emily Atef ne prétend pas détenir la recette de l’amour et de l’accompagnement de la fin de vie, mais ce qui est important, c’est surtout de laisser le choix au mourant. On devrait demander au mourant comment il souhaite finir sa vie. C’est aux vivants de laisser le malade partir comme il le veut. Chaque humain naît seul, meurt seul et chaque personne devrait avoir le droit de dire la manière dont elle souhaite s’en aller. Ce qui est essentiel pour Emily Atef, c’est avant tout l’idée du choix et de l’ouverture de la parole sur la fin de vie.
On ne devrait plus traiter la mort et la fin de vie comme un tabou. Il faudrait éduquer jeune à pouvoir réussir sa fin de vie car il s’agit d’une étape par laquelle nous allons tous passer. La réalisatrice met un point d’honneur à souligner qu’elle en parle déjà à sa fille de douze ans, alors même que des adultes n’ont encore jamais eu l’occasion d’aborder ce sujet avec autrui. Plus on libère la parole sur ce sujet et moins celui-ci fera peur.
A ce stade, on peut s’interroger sur le titre énigmatique du film : Plus que jamais quoi ? » Plus que jamais j’ai le droit de décider, Plus que jamais je veux vivre, Plus que jamais je veux aimer « , répond la réalisatrice avec passion.
Emily Atef évoque alors la tragédie du décès de Gaspard Ulliel qui est survenue très brutalement après le tournage du film. On ne sait jamais à quel âge on va s’en aller et cela s’avère très violent, or cela fait totalement partie de la vie. Le film habité par une personne mourante dans l’histoire va finalement se retrouver habité par une personne morte dans la vraie vie, ce qui va lui donner une résonance particulière.
Lorsque Gaspard Ulliel a disparu, le montage était presque terminé. Ce moment a été extrêmement compliqué pour l’équipe de montage qui restait très proche de lui à travers l’écran. Emily Atef trouve Gaspard extrêmement brillant dans son film. Sur le tournage, il s’est montré d’une grande générosité envers tous. Elle espère sincèrement que le spectateur parviendra à voir le film et le personnage au-delà du fait que Gaspard n’est plus là car il s’est révélé extrêmement lumineux à l’écran, tel le grand acteur qu’il était. Elle souhaite que le film le garde vivant.
Un mystère demeure : d’où vient l’obsession pour la mort que paraît cultiver Emily Atef ? Elle explique qu’elle a toujours voulu comprendre le tabou autour de la fin de vie. Plus elle grandissait, plus elle se rendait compte qu’on n’en parlait jamais. Or elle ne voulait pas en avoir peur car ce dont on ne parle pas, cela devient l’inconnu. Personne ne sait véritablement à quoi s’attendre alors pourquoi la craindre autant et rendre ce sujet aussi tabou ? Emily Atef cherche donc à trouver comment elle arrivera à accompagner ses proches dans cette étape. Le cinéma représente pour elle le meilleur outil pour universaliser ce sujet, pour en parler avec le plus de monde possible et ouvrir la parole. Son souhait le plus sincère serait que, après avoir visionné ce film, les spectateurs sortent de la salle et parlent entre eux, entre proches, entre couples et au sein des familles de ce sujet.
Personne ne sait véritablement à quoi s’attendre alors pourquoi craindre autant la fin de vie et rendre ce sujet aussi tabou ?
Dans Plus que jamais, il existe plusieurs fausses pistes scénaristiques, comme lorsqu’Hélène échange avec un blogueur et que l’on s’attend à ce qu’une histoire d’amour se développe entre les deux. La réalisatrice justifie cette fausse piste par ces petits moments de vie et de mensonge qu’elle souhaitait insérer dans l’intrigue principale. Ainsi, ce blogueur se trouve derrière son écran et il existe donc une part de virtualité et de fiction. Cette part, c’est le mensonge d’Internet : Hélène non plus ne s’est pas montrée comme elle était vraiment. Le blogueur exprime une pensée rafraichissante en disant que les vivants ne comprennent pas les morts. Or ce personnage représente la figure d’un passeur. C’est grâce à ses images qu’elle va enfin respirer et prendre une distance souhaitable envers la vie et la mort. Des fausses pistes traversent donc le film car la vie est comme cela. La vie est bien plus complexe que ce que le spectateur peut croire, ce que tend à montrer Plus que jamais.