Alors qu’elle recevait le César du meilleur film de court métrage de fiction en 2021 pour Partir un jour, Amélie Bonnin vient de présenter son premier long, du même titre, devant le gratin du cinéma mondial, au Grand Théâtre Lumière de Cannes. Quatrième femme à faire l’ouverture du Festival – succédant à Maïwenn avec Jeanne du Barry, en 2023 – la cinéaste offre le premier rôle à la chanteuse Juliette Armanet pour une comédie musicale sincère qui revisite avec ingéniosité, humour et émotion des tubes de la chanson française tous aussi ringards que mythiques.
Alors que Cécile (Juliette Armanet) s’apprête à réaliser son rêve, ouvrir son propre restaurant gastronomique, elle doit rentrer dans le village de son enfance à la suite de l’infarctus de son père. Loin de l’agitation parisienne, elle recroise Raphaël (Bastien Bouillon), son amour de jeunesse. Ses souvenirs ressurgissent et ses certitudes vacillent…
Entre chaque séquence musicale, Amélie Bonnin dirige son rythme avec une pincée d’humour bien dosée, qui saura faire rire sans basculer dans la farce.
De par sa forme, Partir un jour fait écho à une autre comédie musicale du même genre : On connaît la chanson, d’Alain Resnais. À l’inverse du film sorti en 1997, qui rassemble une flopée d’acteurs prestigieux (Agnès Jaoui, Lambert Wilson, Jean-Pierre Bacri) chantant en playback des chansons d’Aznavour, Edith Piaf ou Téléphone, les comédiens du long métrage d’Amélie Bonnin, pour la plupart moins connus, interprètent eux-mêmes les titres des 2 Be 3, K.Maro ou Stromae. Cette différenciation permet non seulement de prendre quelques distances avec le film d’Alain Resnais tout en permettant à Juliette Armanet, Bastien Bouillon, Tewfik Jallab ou Dominique Blanc de véritablement briller à travers leurs chansons. Mention spéciale à François Rollin, interprétant le père bougon de Cécile, qui livre une performance poignante, toute en non-dits.
Entre chaque séquence musicale, Amélie Bonnin dirige son rythme avec une pincée d’humour bien dosée, qui saura faire rire sans basculer dans la farce. Le milieu rural dans lequel évoluent les personnages est également mis à l’honneur, que ce soit à travers quelques blagues ou des moments de vie capturés à l’image qui parleront peut-être plus à ceux ayant passé leur jeunesse dans des territoires similaires au Loir-et-Cher : boire sur le parking d’une boîte de nuit, les courses de moto-cross, les samedi après-midi à la patinoire… Partir un jour semble ainsi s’inscrire dans une mode qui consiste à filmer la ruralité autrement que par un prisme humoristique ou méprisant et dans laquelle s’inscrivent des films comme Chien de la casse, Vingt dieux ou encore La Pampa.
La sobriété des séquences du film, appréciables lors des scènes parlées pour montrer un territoire évoluant à son rythme et que Cécile a voulu fuir toute sa vie, est toutefois regrettable lors des scènes chantées, qui manquent parfois de panache dans les chorégraphies. On reste constamment dans un entre-deux, les personnages enchaînant quelques pas de danse tout en restant dans la retenue, ce qui nous ramène encore au film d’Alain Resnais, similaire sur ce point, mais qui se targuait au moins d’un scénario intéressant signé Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri. Celui de Partir un jour, écrit par Amélie Bonnin et Dimitri Lucas, frise le cliché et pourrait perdre plus d’un spectateur qui ne serait pas sensible aux belles mélodies revisitées.
RÉALISATEUR : Amélie Bonnin NATIONALITÉ : France GENRE : Comédie musicale AVEC : Juliette Armanet, Bastien Bouillon, François Rollin, Dominique Blanc, Tewfik Jallab DURÉE : 1h38 DISTRIBUTEUR : Pathé Films SORTIE LE 14 mai 2025