Mon petit renne : autoportrait d’un homme brisé

Adapté du one-man-show autobiographique de l’humoriste britannique Richard Gadd, Mon petit renne est le succès surprise de ce mois d’avril. A sa sortie, la mini-série Netflix s’est directement hissée dans le top 3 de la plateforme. Si on peut attribuer en partie cette réussite à l’engouement du public pour les True crime (Dahmer par exemple), on peut aussi le voir comme la récompense d’un travail d’écriture soigné mettant en avant le discours inédit d’un homme sur ses blessures les plus intimes. 

Dans cette série qu’il a lui-même écrite, réalisée et dont il tient le rôle principal, Richard Gadd revient sur sa rencontre avec Martha (Jessica Gunning) et les années de cauchemar qui ont suivi. Tout commence avec une tasse de thé offerte par le barman Donny (Richard Gadd) à une cliente visiblement esseulée et déprimée. Un geste simple qui va pourtant avoir des conséquences dramatiques puisqu’il va déclencher le fantasme érotomane de la quadragénaire qui va le harceler, sans ménagement, pendant près de quatre ans et demi.

Dans une société patriarcale gangrénée par la masculinité toxique, la mise à nu sensible de Richard Gadd a tout d’un acte de bravoure.

Les premiers épisodes de Mon petit renne sont dédiés à la dissection de ce harcèlement, des premiers e-mails envoyés aux intrusions de plus en  plus violentes dans la vie privée de Donny. Richard Gadd joue la transparence et livre toute la vérité sur les faits au spectateur, quitte à perdre son adhésion. Il ne travestit jamais la réalité et prend le risque de se montrer sous un mauvais jour. En présentant son histoire non pas comme celle d’une oppression à sens unique mais comme celle d’une relation toxique entre une femme malade et un homme fragile qui alimente son trouble, Gadd s’éloigne d’un manichéisme primaire.

Ces mésaventures avec Martha ne sont finalement que le point départ d’un récit introspectif beaucoup plus complexe dans lequel le jeune auteur se prête au jeu de l’auto-analyse. Un tournant qui s’opère dans l’épisode 4 où un sombre événement du passé de Donny/Richard vient nous éclairer sur son comportement présent. Cet épisode, particulièrement difficile à regarder, est une des meilleures représentations du phénomène d’emprise qui nous ait été donné de voir. Il est le point d’orgue d’une série qui dépasse le simple fait divers pour alerter sur le traumatisme vécu par les victimes d’abus sexuels.

Autre moment fort de la série, le monologue de Donny dans le final de l’épisode 6 où il se livre sans filtre sur scène. Rares sont les œuvres où un homme se montre aussi vulnérable et c’est en ça que Mon petit renne se démarque réellement des autres productions du même genre. Dans une société patriarcale gangrénée par la masculinité toxique, la mise à nu sensible de Richard Gadd a tout d’un acte de bravoure. Son interprétation à fleur de peau nous fend le cœur, tout comme celle de Jessica Gunning qui n’est pas sans rappeler une certaine Kathy Bates (Misery de Rob reiner, 1990).

Au final bien plus touchante que dérangeante, Mon petit renne aborde avec beaucoup de sensibilité et de finesse des sujets difficiles tels que la santé mentale, le consentement, l’addiction ou bien encore la transphobie. Une série d’auteur qui bouscule et fait réfléchir…

4.5

CRÉATEUR : Richard Gadd 
NATIONALITÉ : Britannique
GENRE : Drame
AVEC : Richard Gadd, Jessica Gunning, Nava Mau, Tom Goodman-Hill, Shalom Brune-Franklin
DURÉE : 7x 27-45mn
DIFFUSEUR : Netflix
SORTIE LE 11 avril 2024