Kinuyo Tanaka, célèbre en tant qu’actrice japonaise — elle interpréta entre autres l’inoubliable mère des deux héros de L’Intendant Sansho —, l’est nettement moins comme réalisatrice de quelques films. Ils étaient inédits en France avant mercredi prochain, date à laquelle ils seront visibles en salle, par la grâce du distributeur Carlotta. L’éminent Thierry Jousse a passé celui qui nous intéresse ici en avant-première, à son ciné-club du dimanche matin à l’Arlequin.
Hokkaido, dans le nord du Japon. Fumiko vit un mariage malheureux. Sa seule consolation sont ses deux enfants, qu’elle adore. Un club de poésie devient sa principale échappatoire, et lui permet de se rendre en ville. Elle y retrouve Taku Hori, le mari de son amie Kinuko qui, comme elle, écrit des poèmes. Elle ressent de plus en plus d’attirance pour lui. Mais Fumiko découvre qu’elle a un cancer du sein. Alors que ses poèmes sont publiés, elle doit subir une mastectomie. La jeune femme découvre alors la passion avec un journaliste qui vient la voir à l’hôpital.
C’est un film tout ce qu’il y a de magnifique, qui ne ressemble qu’à lui-même, et donne envie de découvrir les autres de son autrice.
‘’Maternité éternelle’’ est une traduction tout ce qu’il y a d’approximative, et même trompeuse, du titre orignal, puisque celui-ci ressemble davantage à quelque chose comme ‘’Les Seins éternels’’. Pour reprendre les termes du maître de cérémonie, il s’agit d’une sorte de vrai-faux biopic de Fumiko Nakajo, poétesse japonaise décédée des suites d’un cancer du sein quelques années avant le tournage du film. Thierry Jousse parlait par ailleurs de film audacieux, c’est en effet un adjectif qui convient parfaitement.
J’avoue avoir eu un peu de mal à rentrer dans l’histoire, mais à partir du moment où la maladie se déclare, les choses prennent une dimension inattendue, et on va de surprise en surprise, alors que la mise en scène organise un trajet à double sens. D’une part, l’héroïne est de plus en plus affaiblie. De l’autre, elle se libère de plus en plus du poids des conventions sociales. Il y aurait des tas de choses à dire, contentons-en nous de deux ou trois. Petit a, une scène de baignoire aux harmonies émotionnelles complexes, où Fumiko fait preuve d’une étonnante cruauté vis-à-vis de son interlocutrice, tout en se mettant par ailleurs complètement à nu, dans ce que j’ai perçu comme un geste déchirant de franchise et de confiance absolues. Petit b, une scène d’amour aussi improbable que bouleversante dans une chambre d’hôpital. Petit c, que j’aie pensé fugacement mais nettement à Cronenberg n’est pas, je l’espère, uniquement le symptôme d’une quelconque démence précoce dont je serais affligé, mais aussi celui de la richesse du film.
Qu’importe que la dernière scène et l’épilogue m’aient paru un poil too much, c’est un film tout ce qu’il y a de magnifique, qui ne ressemble qu’à lui-même, et donne envie de découvrir les autres de son autrice.
RÉALISATEUR : Kinuyo Tanaka NATIONALITÉ : japonaise AVEC : Yumeji Tsukioka, Ryoji Hayama, Junkichi Orimoto GENRE : Drame, romance DURÉE : 1h51 DISTRIBUTEUR : Carlotta Films SORTIE LE 16 février 2022