Les Chroniques de Poulet Pou : retour sur quelques films de 2022. Enquête sur un scandale d’Etat, Rien à foutre, Poet.

1. Enquête sur un scandale d’État (de Peretti, 2022).

Librement inspirée de l’affaire François Thierry (gros bonnet des stups accusé de divers coups tordus), cette Enquête est prétexte à triple portrait d’homo mediterraneensis — de Peretti continue en métropole ce qu’il avait commencé dans la fresque corse Une vie violente —, je veux dire, honneur, fidélité, toutes ces conneries. Alors qu’en réalité, ils passent leur temps à, d’une, se raconter des bobards, de deux, se trahir. Lindon, Marmaï et Zem sont plus que top, et la mise en scène préfère, aux fastidieuses explications façon film-dossier, des trouées poétiques qui font mouche. Très bon.

2. Rien à foutre (Marre/Lecoustre, 2022).

Aliénation de l’individu plongé dans le libéralisme économique. Je blêmis dès que j’entends parler de ’’dispositif’’, mot qui évoque plus un piège à souris qu’autre chose. Or ce qu’il y a de bien, c’est que le film transcende les doigts dans le nez son dispositif — la caméra est collée aux basques d’Adèle Exarchopoulos, qui incarne une hôtesse de l’air pour une compagnie low-cost, imaginaire mais plus vraie que nature. La transcendance advient, petit a, par la grâce de l’actrice — du reste, elle n’est pas toute seule, cf. son père joué par un émouvant sosie du regretté Lonsdale, ou la bouleversante scène avec une passagère en plein désarroi. Petit b, par celle de la mise en scène — je pense entre autres aux beaux plans de coupe de ciels, littéraux bols d’air, et à l’excellente utilisation de To the Unknown Man de Vangelis. Très bon aussi.

3. Poet (Omirbayev, 2022).

Portrait du poète kazakh autant que portrait d’époque, sévère comme chez JLG, quoique à mon avis nettement moins inspiré — reste surtout, sans les inventions ludiques du disparu de Rolle, un arrière-goût réac. Le poète voudrait chevaucher dans la steppe, hélas il prend le métro à Astana, observe sans aménité ses contemporains scotchés à leur smartphone dans un train de nuit, donne une conférence devant un auditoire clairsemé, et rêve de pirater la Fnac. Le Paterson de Jarmusch, dans lequel le poème surgissait au détour du quotidien le plus banal, m’avait davantage séduit. Ici, il m’a semblé que le quotidien banal n’occasionnait guère de surgissement. Question, ceux qui l‘ont vu pourraient-ils m’expliquer ce que signifie la séquence, chez un quidam non identifié, où l’on brise nuitamment une vitre ?