Nosferanul. À quoi bon dire du mal, entend-on parfois. Eh bien Mesdames et Messieurs, d’une, ça soulage. De deux, ça permet de comprendre ce qu’on aime, et pourquoi on trouve bien ce qu’on trouve bien. Enfin peut-être, ne nous avançons pas. À quoi bon comparer les films entre eux, entend-on aussi. Mais quand ledit film est un remake d’un truc mille fois remaké, vous m’accorderez que c’est un peu obligé. Et donc Nosferatu 1922 obviously, passé le pont les fantômes vinrent à sa rencontre, Nosferatu 1979 aussi, Popol Vuh + momies mexicaines at the controls, et Klaus Kinski qui a les mêmes incisives que Max Schreck. Car le truc dans Nosferatu, outre que ça se passe en Allemagne plutôt qu’en Angleterre comme Dracula, c’est que le vampire est armé de longues incisives et non de canines, ce qui lui donne un petit air de lapin démoniaque. De manière contre-intuitive ce comique léger provoque un surcroît d’effroi, je trouve. Apprenez par ailleurs que j’ai trouvé nuls la plupart des Dracula que j’ai vus — y compris le matriciel starring Bela Lugosi, qui m’avait vachement déçu. Sauf le Coppola nineties que je chéris, au point que je refais systématiquement la réplique de Gary Oldman, I am Dracula, welcome to my home, faux accent hongrois et tout, à quiconque ose franchir le seuil de mon humble demeure. La patience de la personne chère à mon cœur est infinie.
Revenons à notre remake actuel, le vampire n’a ni incisives ni canines particulièrement proéminentes, mais une grosse moustache, après tout pourquoi pas. Dès qu’il s’exprime — faux accent roumain, obviously —, on s’attend à ce qu’un groupe de black metal se mette à accompagner ses éructations gutturales, mais non, violons stridents un peu et c’est tout, dommage. Parlons de la musique, elle est le signe que ça ne va pas aller dès le départ. Je veux dire, orchestrations relou dans la scène d’exposition où Harker, enfin Hutter, emprunte insoucieusement les rues de la ville pour aller au turbin. Résultat, on se croirait au village des Hobbits, tandis que pour meubler se croisent deux calèches devant la porte de l’étude notariale, c’est infernal. Plus tard, on guette les morceaux de bravoure, et le film les évite quasi tous soigneusement, mais pour enfler tout le reste par ailleurs. Prenons un exemple, l’arrivée de la voiture du vampire au carrefour des chemins, le vampire déguisé conduisait lui-même la voiture dans Nosferatu 1922. Il avait des employés du cru dans Nosferatu 1979, tandis que dans une scène incroyable du Coppola un cocher surhumain tendait un bras démesuré pour faire monter sa proie. Ici, rien. La diligence n’a pas de conducteur, la portière s’ouvre toute seule, Hutter grimpe dans un fondu au noir. Par suite et comme souvent, ça fait tableau/chromo (cf. illustration), mais à quoi bon. Tout est dévalué. Me fatigue d’avance l’idée de causer du sous-texte psychosexuel avec l’héroïne sujette à des crises d’épilepsie façon L’Exorciste, faisons avance rapide jusqu’à la fin, attention spoilers.
La dernière image qui fait tableau/chromo est jolie, vieux cadavre sur jeune morte, mais pour ça, il a fallu tuer la jeune fille, et c’est lamentable. Je veux dire, dans Nosferatu 1922, Ellen se réveillait tranquillement, une fois le monstre désintégré par les premiers rayons du soleil, et tout était fini dans la bonne humeur. Ici non, il faut absolument qu’elle meure. Pour une jolie image. Qu’aurait dit Rivette, je me le demande, je vais sonder le regretté cinéaste aux longues incisives par Ouija board.