Vues de l’esprit. Permettez-moi d’emprunter à Luchini-Belzébuth sa réplique, tant elle résume mon ressenti à la sortie de la séance. Souvenir de deux récents (très bons) films qui présentaient le Mal en action, soit hors-champ (Glazer), soit tout près (Scorsese), mais ici que voit-on, à part des gens ou des entités se déplacer à travers de beaux paysages. Qui à pied — plans des chaussures en mouvement de l’héroïne, poursuivies par les sabots de son rival démoniaque, ou plutôt, ceux de son imposante monture, un boulonnais immaculé —, qui en barque, tracteur, vaisseau spatial, break de la gendarmerie. Tout est mouvement, mais tout semble en vain. Je dirais même plus, les actions les plus déterminantes, et répréhensibles — décapitations, kidnapping —, sont en réalité commises par le camp du Bien. Que reste-t-il au Mal, clowneries de Luchini et concupiscence de son lieutenant, on est loin des crimes de masse interplanétaires façon Palpatine.
Ce qui fait qu’on a beau se demander pourquoi le Bien voguerait en Sainte-Chapelle et le Mal en château de Versailles, tourner et retourner la chose dans sa tête comme dans une machine à laver sur programme essorage galactique yin-yang, on a envie de reformuler la réplique finale — recausons une dernière fois de Scorsese, elle m’a rappelé le fameux ’’And that’s that’’ de Casino — en ’’Tout ça pour ça’’. Puisqu’on est au rayon ressemblances, j’ai aussi pensé à Lynch, décidément partout, quand se fait entendre un solo de contrebasse pour souligner le burlesque du duo de gendarmes, ou lors de l’apparition d’un blob numérique noir synonyme du Mal. Bref, pour tout dire, j’ai envie de donner raison à Adèle Haenel, qui dézingue le film au moyen de la formule bien = mal, et établir le score booléen personnel suivant, AH 1 BD 0. Concluons tout de même sur une note positive, les comédiens principaux — Anamaria Vartolomei, qui remplace du reste probablement AH en simili Lara Croft, et le modèle bressonien Brandon Vlieghe en chti-chtonien, sont comme les paysages très beaux à regarder.