Foin de portrait des minorités sexuelles, LGDBDT fait celui virilo-viril de gangsters, qui fomentent le braquage d’un émir de passage en France. Les critiques du nouveau Rabah Ameur-Zaïmeche que j’ai pu survoler parlent de personnages melvilliens, or — est-ce parce que je l’ai revu récemment —, j’ai plutôt pensé au hit Heat de Michael Mann. Vous me direz, le cinoche de l’Américain n’est pas sans rapport avec celui du démiurge Ray-Ban + Stetson. Mais certaines scènes et détails de l’intrigue ressemblent beaucoup au polar angeleno — prenez la vengeance du braqué, la filature du gang par ses ennemis, ou la fusillade à armes automatiques. Cependant, les touches qui font l’idiosyncrasie de RAZ sont là.
Petit a, le décor urbain est fabriqué à partir d’éléments disparates. L’action peut bien être censée se dérouler en région parisienne — le titre fait référence à une cité de Clichy-sous-Bois, les personnages mentionnent l’autoroute A1 —, les in-the-know reconnaîtront la skyline de Bordeaux dans le fond des plans du début. Ailleurs, bretelles d’accès et paysages marseillais. Ce qui n’est pas sans participer à la poésie de la chose — comme dans le précédent RAZ Terminal Sud, l’indécision quant à la géographie fabriquée par le film fait qu’on cherche à se raccrocher à des indices — panneaux de signalisation, plaques minéralogiques. Le Gang en est du reste parfaitement conscient, qui donne à ces dernières un rôle notable.
Petit b, je parlais de portrait virilo-viril, cependant le bon fond gouailleur et la dose non négligeable d’amateurisme des bandits les relie à l’enfance et ses jeux — contraste avec le professionnalisme froid du héros melvillo-mannien, qu’évoquent deux personnages complémentaires, lesquels font basculer définitivement le récit dans le tragique. Dans le même ordre d’idée, les figures imposées du film de gangsters sont gauchies par la description de la lutte entre pauvres et riches, sans appuyer quoique sans ambiguïté. Contrairement à ce qui se passe dans Heat, l’équilibre des forces en présence lors des représailles du prince penche nettement du côté du puissant. RAZ documente avec tristesse ce combat aussi inégal que sans arbitre, et l’ange de la vengeance, déjà meurtri par un deuil, considèrera d’un œil contrit les enfants, dont l’innocence sera bientôt fatalement ternie, depuis les hauteurs de sa tour d’ivoire HLM.
Parlons BO, différence/similitude avec le Michael Mann, nul soundtrack extradiégétique enveloppant à faux-pas Moby, mais place de choix accordée tout de même à la musique, avec deux belles séquences — la première a cappella starring la chanteuse bretonne Annkrist, la deuxième électro-raï starring l’Algérien Sofiane Saidi, avec en guest inutile quoique fugace Rodolphe Burger, qui doit être pote avec RAZ, étant donné que je crois me souvenir l’avoir déjà vu dans un précédent film, mais je ne sais plus lequel. Enfin bref, 100% langue de vipère, ne me demandez pas pourquoi, je suis allergique à l’Alsacien. What a ham. Du reste, c’est vraiment un microdétail, et j’ai beaucoup aimé. Outre Mann, la fluidité des images, la sérénité majestueuse du tempo et le parti-pris d’un certain flottement dans la narration m’ont rappelé la splendeur et le tranquille aplomb postfictionnel de Pacifiction d’Albert Serra. Le Gang passe peu, allez-y avant que plus.