Après Wiseman et Woo, continuons notre ciné-exploration à la lettre W, avec le nouveau marathon de Wang Bing. Ça tombe bien, les plus physiciens d’entre vous ne sont pas sans savoir que la lettre W représente le travail, en thermodynamique. Le travail, voilà la grande affaire du film, qui montre celui de jeunes — d’où le titre — embauchés, souvent venus de loin, courbés devant leurs machines à coudre bourdonnantes, entre les murs défraîchis des innombrables ateliers de confection de la ville de Zhili, Chine. Le travail n’est pas la santé, ni ne rend libre, et les coursives des bâtiments où les personnages du film se meuvent, du poste de travail au dortoir, et dans l’autre sens, ces coursives où ils vivent, sans plus tellement savoir au bout d’un temps quelle heure de la journée, ni quel jour de la semaine on est — et la durée du film participe à cette perte de repères côté spectateur —, ces coursives ressemblent comme deux gouttes d’eau à celles de l’hôpital psychiatrique de l’immense À la folie*.
Les thermodynamiciens chevronnés que vous ne manquez pas d’être n’oublient pas qu’outre en travail W, l’énergie se dissipe en chaleur, notation Q — les physiciens sont-ils des polissons, on se le demande. Car à l’aliénation par le travail répond la vitalité sans cesse renaissante des jeunes gens — vitalité partagée par la caméra et le montage. Drague et jeux, amitiés et amours, chamailleries et blagues éclairent et humanisent le quotidien harassant — et donnent peut-être aux héroïnes et héros le surcroît d’énergie pour négocier âprement un salaire un (tout petit) peu meilleur, avant de rentrer enfin à la maison.