1. 2. La Guerre des mondes + Minority Report (Spielberg, 2005/2002).
Avant tout, permettez-moi de vous adresser tous mes vœux de bonheur pour 2023. J’espère que vous ne m’en voudrez pas trop si je traite des deux films concomitamment, ils se ressemblent un peu. J’aime bien, mais la personne chère à mon cœur, qui s’était déjà distinguée par une généreuse salve de persiflages lors du visionnage d’A.I., ne semble pas, à en croire ceux entendus ici, professer un goût immodéré pour le cinoche de Spielberg. Le pire, c’est qu’elle a raison, ah Hollywood et ses personnages chaussés de gros sabots, mauvais père féru de mécanique, petite fille crispante nourrie au houmous — en ce qui me concerne, ça ne me dérange pas, plutôt que de sabots je préfère parler d’archétypes. Elle concède cependant un surcroît d’inclination pour le virtuose Minority Report, dont les constantes ruptures de ton — de la noirceur dystopique au burlesque, en passant par le drame intime du deuil de l’enfant — sont une des composantes de la maestria.
Votre humble serviteur quant à lui préfère l’autre, plus uniment sombre — peut-être en raison de moments que je trouve très beaux, comme la première succession d’images, de l’échelle de la bactérie à celle de la planète, qui font un trône pour la voix de Morgan Freeman (il récite le début du bouquin de Wells, un peu réécrit. C’est un texte que je connais par cœur, ’’Yet across the gulf of space, intellects vast and cool and unsympathetic regarded our planet with envious eyes, and slowly and surely, drew their plans against us’’). Il y a aussi l’incroyable séquence où le premier tripode sort de terre, celle du ferry qui chavire, celle de la sempiternelle colline spielbergienne derrière laquelle c’est l’horreur, il y a la rivière charriant des cadavres et le train fou en flammes, bref c’est un festival d’apocalypse, jusqu’à la fin qui refait celle de La Prisonnière du désert — le héros à défauts, mauvais père, voleur de voiture, assassin, ne peut pénétrer dans la maison du bonheur.
Puisque nous sommes au rayon réminiscences de classiques, revenons à Minority Report, dont la fin fait, elle, penser à celle de L’Invraisemblable Vérité, avec le méchant qui se trahit en énonçant étourdiment ce qu’il n’était pas censé savoir. De même, une des plus belles scènes — même si à la re-vision, j’ai trouvé ça moins impressionnant que le souvenir que j’en avais —, celle où Cruise rejoue Chaplin avalé par la chaîne de montage des Temps modernes. Il me semble également avoir entraperçu des images de House of Bamboo, excellent polar de Fuller qui se passe à Tokyo, diffusées dans le cabinet de l’ophtalmo clandestin. Quittons les rives du classicisme pour conclure, deux mots sur ce qui fait la spécificité du cinoche hollywoodien late nineties/early noughties, à savoir le scénario alambiqué. Primo, ça génère des incohérences — comment se fait-il que l’empreinte oculaire du prévenu continue d’ouvrir sans problème les portes sécurisées, appelez-moi le directeur. Secundo, ça nécessite certaines stations explicatives pendant lesquelles on s’ennuie un peu, comme la rencontre avec la sorcière — je veux dire, la fondatrice du programme ’’pré-crime’’ —, l’analyse du faux écho du pré-crime bidon par l’infortuné Colin Farrell, ou l’épilogue vengeur avec cette autre figure du mauvais père qu’incarne Max von Sydow.
3. Vanilla Sky (Crowe, 2001).
Habile transition avec celui-ci — que je n’avais jamais vu. En effet, le scénario alambiqué façon noughties est bien là, de même que les fastidieuses stations explicatives — merci, il faut avouer que sinon on n’aurait rien compris. Mais ce qu’il y a, c’est qu’on s’en fout un peu, car on pense aux sublimes quoique imbitables cauchemars de Lynch (Mulholland Drive date de la même année), mais tout ce que ce dernier réussit, Vanilla Sky le rate. La faute aux acteurs ? Je ne sais pas. Autant Cruise est parfait dans les deux Spielberg, autant il est insupportable ici — mais c’est le rôle, au fond. Cameron Diaz la blonde, Penélope Cruz la brune, allez savoir pourquoi je parlais d’archétypes chez Spielberg, mais de caricatures ici. Inconséquence du goût, ou qualité du film ? Indice, ça m’a paru souvent pompeux — cf. montage et mouvements de caméra insensés dans le hall de Life Extension, avant la montée finale sur le toit, théâtre d’une interminable résolution sous les cieux éponymes —, et la BO, qui enchaîne non-stop les hits classic/indie rock, est pénible. Bref, sachant que j’ai trouvé ça mauvais, dois-je tenter l’original d’Amenábar ? Je pose la question.