All you need is hate. C’est vachement bien fait, la haine est le thème du film, les deux personnages se détestent à en crever, et le spectateur, s’il commence seulement par avoir envie de leur coller des baffes, finit par souhaiter de plus en plus intensément leur mort, de préférence violente et douloureuse, au fur et à mesure que se succèdent les scènes du film. Certaines d’entre elles sont parfaitement grotesques, prenez celle avec Patrick ’’mon ami’’ Timsit à cheval, rendant visite à Melvil Poupaud et sa meuf chelou (Golshifteh Farahani, dans un rôle faussement sympathique), lesquels sont installés dans une cabane perdue au milieu des forêts — pensez Thoreau Henry David, ou plus modestement Tesson Sylvain. Plus tard, voici le couple en goguette au fond d’une grotte à peintures rupestres, devant lesquelles ils forniqueront plus que probablement. Il y a Marion Cotillard en backpackeuse en Afrique, Poupaud opiomane planant tel Superman au-dessus de Lille, peut-être pas le poing en avant mais c’est tout comme. La gestuelle des comédiens est du reste super travaillée, observez face à une hôtesse de l’air impavide Poupaud en passager odieux, avançant impérieusement le bras vers le bloc-notes exigé qui n’arrive pas assez vite. Admirez Cotillard, son sourire figé-faux et ses mains tendues jusqu’à en être recourbées dans le mauvais sens, l’intégralité de son corps exprimant un mélange de crainte et de dégoût absolu pour tout ce qui l’environne. Écoutez-la assortir chacune de ses répliques d’un ’’je ne supporte pas’’ électrique, mettons 100 000 volts environ.
Vous avez compris que le visionnage ne m’a pas été agréable, et que je suis sorti de la séance en maugréant, Paye ton psychodrame bourgeois à la con, vazy les personnages de méga-connards égotiques et complètement jetés. Cependant, toutes proportions gardées, c’est comme chez Spielberg parfois, c’est-à-dire que les outrances, pénibles sur le moment, s’estompent, et une impression bien meilleure reste dans le souvenir, où des rimes et des associations, inattendues et fructueuses, se fabriquent peu à peu. Un seul exemple, la scène de la rencontre à l’hôpital fait écho à celle de l’accident, Cotillard déboulant soudain dans le couloir exactement comme le semi-remorque sur la route fatale. Bref, je mentirais si je vous disais que j’ai aimé, mais il serait tout aussi inexact d’affirmer que j’ai trouvé ça mauvais. Je me suis posé la question, Qui est le pire, elle ou lui, ce qui prouve que je me suis senti concerné par les personnages. Difficile du reste de répondre, ce qui est certainement un gage de qualité. Bref, allez le voir, on s’engueulera après.