Un film des plus étranges, à propos duquel votre humble serviteur hésite entre ‘’C’est raté’’ et ‘’J’ai rien capté’’. L’intitulé pose question, déjà, tant il fait penser à ces unes de journaux façon ‘’Une femme prix Nobel de littérature’’. Détail amusant, en parcourant Internet à la recherche d’informations sur la chose, maigre butin, une ennuyeuse interview Zoom de Jean-Paul Civeyrac pour le Festival du film francophone d’Angoulême, et la présentation en avant-première à la Cinémathèque française, à l’occasion de l’actuelle rétrospective Sophie Marceau, où Frédéric Bonnaud, éminent féministe, se trompe par deux fois en énonçant le titre, transformé en ‘’Une femme d’aujourd’hui’’. Lapsus révélateur, mais de quoi ? Il est vrai que ‘’De notre temps’’ évoque un célèbre magazine à destination des seniors, et donc plutôt une autre époque que la nôtre. À regarder à la surface des choses, le film défendrait la thèse selon laquelle une femme de maintenant devrait, en cas de cocufiage mettons, se comporter comme un mâle alpha bien tradi. Sortez les flingues et les carquois, revenons au bon vieux temps du crime passionnel.
Autre point qui interroge, les décors, tout droit sortis de cet autre magazine de référence, j’ai nommé l’inestimable Demeures et Châteaux. L’opulence des personnages pose question, Madame commissaire de police et autrice de polars à succès, Monsieur agent immobilier spécialisé dans le haut de gamme, luxueuse propriété en banlieue, garçonnière avec vue à Paris, elle et lui se comportent du reste dans l’exercice de leur profession comme d’aimables dilettantes. Non, écoutez lieutenant, faites donc l’interrogatoire à ma place, j’ai la flemme. Les logis somptueux dans lesquels s’ébattent les personnages pourraient se justifier du fait qu’il s’agirait d’un conte, mais je ne sais pas. On se demande ce que le film veut nous dire, en faisant se croiser la route de la reine Marceau avec celle d’une famille dysfonctionnelle de prolos bon teint. Suivez-moi, manants, allons à l’hôtel (de charme), non laissez c’est pour moi, indique-t-elle avant de faire payer une autre addition à ces salauds de pauvres mal déconstruits. Plus tard, Sa Majesté SM descendra dans un vulgaire 3 étoiles, ‘’Les Galets’’, sera-ce un avant-goût du boulet au pied ainsi que de l’inscription aux galères qui se profilent à l’horizon, avec sa chambre-cellule ? Ces réflexions ne me mènent pas loin, retour à la case départ, j’hésite toujours entre ‘’Ce film est con’’ et ‘’C’est moi qui suis con’’. Le beau souvenir de Mes Provinciales de 2018 me fait pencher pour la deuxième option.
Creusons encore un peu avant de nous quitter, restent en mémoire les œuvres symphoniques de Valentin Silvestrov, qui traduisent mieux que les mots la douleur de l’héroïne. Cependant à mesure s’opère un décalage entre le lyrisme échevelé de cette musique et le grotesque des situations. Il n’y a pas de souffrance ridicule, mais je suis partagé entre respect pour qui ose le saugrenu, et hilarité devant ce saugrenu qui n’aboutit nulle part, comme semblent le conclure simultanément dernière réplique et dernier plan. Femme libre, toujours tu chériras la mer.