Athena, t’en as dans l’slip. Veuillez excuser ce placement de produit éhonté, c’est qu’il faut un sous-vêtement de qualité pour contenir toute la testostérone que se trimbalent les protagonistes du film. De fait, on pense plus à Arès, dieu de la violence aveugle, qu’à sa demi-sœur stratège et réfléchie, devant le spectacle de trois frères ennemis — le Vétéran, le Mafieux, le Jeune Sauvageon —, qui s’agitent au milieu du siège façon Moyen Âge de la cité éponyme par les CRS. Les Misérables — Ly produit et co-scénarise la chose — convainquait plutôt par la description d’une lutte entre forces antagonistes, type Jour des morts-vivants (Romero, 1985, toutes proportions gardées). Athena de son côté s’enferre dans la grandiloquence, et je ne peux résister au plaisir de vous communiquer la punchline suivante, criée d’une voix éclatante par la personne chère à mon cœur pendant le visionnage — Wesh, fat comeback de Robert Hossein.
C’est que tournoie la caméra embarquée, fusent les éclairs des mortiers d’artifice, cabriolent roue arrière les motos cross, tonnent les chœurs de la BO style Carmina Burana discount, tandis que d’un œil hautain le Jeune Sauvageon considère les progrès de la baston, après qu’il a dénoué son catogan dans une pose christique. Ailleurs, voici le visage cadré gros plan d’un mâle plus ou moins alpha, dont on suit la trajectoire virile, alors que le décor reculant derrière lui est le théâtre de divers méfaits. Les plans-séquences ont cet avantage de modérer l’hystérie des scènes, et la maîtrise technique de leur organisation impressionne, mais le caricatural des personnages fait qu’on pense moins à De Palma qu’à ces vidéos de geeks, où des dominos se culbutent dans un circuit-paysage miniature.
Votre humble quoique bienveillant serviteur a tout de même quelques remarques positives à formuler. D’une, Gavras filme bien la fièvre collective — je pense à la chevauchée inaugurale en fourgon policier, et à l’essai impromptu du gilet pare-balles. De deux, on remarque les traits d’humour, discrets mais appréciables. Les dévots, déjà moqués par Les Misérables (quoique épargnés dans le jeu de massacre final), le sont ici aussi, avec leurs impayables métaphores. Frère, le lion calme le lionceau, eh. Le mafieux est censé faire très peur, mais amuse beaucoup par ses coups de sang perpétuels, ses bordées d’insultes à l’adresse de ses sbires bodybuildés, son ’’On s’dépêche un p’tit peu’’. Autre personnage à punchline, le fiché S et son placement de produit, que je ne spoilerai pas — sachez qu’il s’agit d’un soft drink fruité idéal en cas d’hyperbole.
Ne comptez pas sur moi pour commenter la teneur politique du propos, car primo j’ai la flemme, et secundo, rappelons-nous Bac Nord, film dont le caractère 100% gros bourrin interdisait de prendre au sérieux le moindre sous-texte. Ici c’est un peu pareil, d’ailleurs le Mal n’est ni du côté de l’émeutier ni du CRS, mais figuré par un fantasmatique croquemitaine en forme de skinhead, soudain sorti du chapeau, c’est pratique. Concluons plutôt, quelques lignes plus haut je reparlais de placement de produit, serait-ce un signe de la vacuité publicitaire de la chose ? Le suspense est insoutenable. En tous cas, mon accroche à base de slips n’était pas complètement gratuite, car figurez-vous que c’est en cette tenue que se rendent les insurgés, dans une scène qui évoque la tristement célèbre vidéo des lycéens interpellés à Mantes-la-Jolie en 2018.