Le Procès du chien : un film qui a du mordant

Actrice dans La Bataille de Solferino (Justine Triet), Jeune Femme (Léonor Serraille), Passion simple (Danielle Arbid) ou Le Roman de Jim des frères Larrieu, sorti en août dernier, Laetitia Dosch a su imposer une présence et un style qui lui sont propres. Elle se lance cette fois-ci dans l’aventure de la mise en scène, avec Le Procès du chien, sélectionné au dernier Festival de Cannes dans la section Un Certain Regard. Un premier long métrage qui lui ressemble de manière indiscutable : original, charmant, loufoque et drôle, humaniste et bien plus profond qu’il n’y paraît.

Un premier long métrage qui lui ressemble de manière indiscutable : original, charmant, loufoque et drôle, humaniste et bien plus profond qu’il n’y paraît.

Avril, avocate abonnée aux causes perdues, s’est fait une promesse : sa prochaine affaire, elle la gagne ! Mais lorsque Dariuch, client aussi désespéré que sa cause, lui demande de défendre son fidèle compagnon Cosmos, les convictions d’Avril reprennent le dessus. Commence alors un procès aussi inattendu qu’agité : le procès du chien.

Le premier film d’un.e acteur/actrice est toujours scruté avec une attention particulière, surtout lorsque l’artiste en question joue dans des films appréciés ou s’il possède un jeu décalé. C’est aussi (parfois) l’occasion de voir surgir un auteur, posant un regard personnel et d’une grande acuité sur les questions actuelles. A n’en pas douter, Laetitia Dosch appartient à cette catégorie. D’abord parce que, fidèle à son engagement, elle prolonge la réflexion qu’elle avait menée en 2018 avec Hate, tentative de duo avec un cheval, spectacle qu’elle avait mis en scène, dans lequel elle interrogeait notre rapport aux animaux. En effet, sous ses airs de comédie excentrique et en apparence légère, Le Procès du chien se révèle être un plaidoyer pour la cause animale, en redéfinissant ici le statut ici du meilleur ami de l’homme. Avril, « avocate des causes perdues » (ce que lui rappelle son employeur dans l’une des premières séquences) qui accepte de prendre en charge ce dossier, se bat en premier lieu pour obtenir un procès pour Cosmos (interprété excellement par un griffon fauve nommé Kodi et récompensé de la Palm Dog à Cannes), qui mérite selon elle d’être traité comme une personne, au même titre que n’importe quel justiciable. Il faut rappeler que les chiens, comme les autres animaux de compagnie, ont longtemps été considérés comme « biens meubles » dans le Code Civil. Dans l’une de ses interventions au tribunal, Avril développe des arguments qui abondent dans le même sens, tandis que, dans une scène aussi drôle que grinçante, des experts animaliers passent à la barre pour débattre de la conscience réelle ou non du toutou.

Le Procès du chien se révèle être un plaidoyer pour la cause animale, en redéfinissant ici le statut ici du meilleur ami de l’homme

Si le postulat de départ pourrait prêter à sourire, il faut bien admettre que Le Procès du chien pose, in fine, des questions essentielles sur le spécisme mais de manière plus générale sur la justice-spectacle, le féminisme à géométrie variable tout en pointant du doigt, l’air de-ne-pas-y-toucher, les dérives de notre société. Laetitia Dosch le fait avec beaucoup d’énergie, à l’image de celle qu’elle déploie dans son rôle. L’émotion surgit même à plusieurs reprises : dans la relation entre Avril et un jeune adolescent vivant sur le même palier, maltraité par ses parents et qui se réfugie volontiers chez elle. C’est également par ces digressions que le film séduit, même si cela donne une impression de dispersion du récit par moments. On ressent la sincérité de la comédienne-réalisatrice, et, malgré un aspect un peu fouillis et quelques baisses de rythme, sa démarche apparaît tout à fait louable – pour ne pas dire nécessaire même. A ce titre, la fin est vraiment touchante, tournant le dos à une certaine facilité scénaristique, ne sacrifiant pas le message humaniste du film sur l’autel d’un comique trop appuyé.

On ressent la sincérité de la comédienne-réalisatrice, et, malgré un aspect un peu fouillis et quelques baisses de rythme, sa démarche apparaît tout à fait louable – pour ne pas dire nécessaire même

Le long métrage bénéficie en outre de la prestation de ses interprètes : outre Laetitia Dosch elle-même dans le rôle de l’avocate, il faut saluer les performances hautes en couleur de Jean-Pascal Zadi en éducateur de la SPA charmeur, sensible (aux animaux ainsi qu’à l’héroïne) et attachant, de François Damiens dans le rôle du propriétaire du chien ou encore Anne Dorval, avocate de la partie civile, populiste et réactionnaire qui lorgne vers une carrière politique.

Le Procès du chien est une première œuvre réussie, à la fois dynamique et mordante, joyeusement décalée et un peu brouillonne mais qui donne assurément envie de suivre Laetitia Dosch dans sa carrière de cinéaste.

3.5

RÉALISATEUR : Laetitia Dosch
NATIONALITÉ : France
GENRE : Comédie
AVEC :  Laetitia Dosch, François Damiens, Jean-Pascal Zadi, Pierre Deladonchamps
DURÉE : 1h25
DISTRIBUTEUR : The Jokers Films
SORTIE LE 11 septembre