Le Paradis : un soupçon de liberté

Avec ce premier film, Zeno Graton, cinéaste belge, nous enferme au cœur d’un centre fermé, à la découverte de délinquants en recherche d’un meilleur avenir. Cette immersion dans le fonctionnement de cette structure, aucunement dénonciatrice des maux de notre société en proie à la violence, révèle les parcours cabossés et chaotiques de deux jeunes hommes se retrouvant emprisonnés dans une relation amoureuse au sein de cet établissement où la discipline permet de regagner la liberté. Tout en finesse et en subtilité, en évitant aussi le piège du cliché et sans opter pour un traitement démonstratif, Zeno Graton aborde ce sujet bien difficile sous un prisme sentimental, faisant tout de même prendre conscience de la dureté du quotidien et de la complexité de l’insertion sociale. Le Paradis, avec ce titre aux multiples définitions, cet enfer cloisonné adouci par un amour inattendu, correspond à un cinéma social proche de la vérité, nous rappelant certains films de Maurice Pialat. 

Joe, jeune homme en pleine rébellion et admis dans un établissement pour mineurs délinquants, se cherche une raison d’être, dans ce système où règnent l’ordre et la discipline. Il tombe amoureux de William. Tous deux vont développer une relation laissant planer le spectre de la liberté.

Dans son introduction, et en l’espace de quelques plans, le réalisateur s’approprie ce décor austère, pour ensuite se focaliser sur le visage d’un jeune. Des plans bien sentis, créant ainsi l’atmosphère rigide et règlementée d’une telle structure. De courts instants où le film prend déjà son envol et réussit à être efficace dès le début.

La mise en scène de Zeno Graton plonge directement le spectateur dans les couloirs d’un endroit, où des bandes d’adolescents sont soumis à des règles strictes. Joe, interprété par Khalil Gharbia (vu dans Peter Von Kant), en pleine perte de vitesse, se montre au public avec un visage énigmatique en disant long sur le degré d’amertume et d’hésitation ancré dans l’esprit d’une personne perdue et sans repères. Le scenario reste lui aussi mystérieux sur le passé de ce personnage. Cependant, l’absence d’informations renforce l’intensité dramatique, nous laissant deviner facilement les moindres raisons de la décision judiciaire. Le film se garde bien de décrire les arcanes de la délinquance. Son titre est évocateur de la volonté de faire une description de ce Paradis, ce petit univers heureux que Joe va se construire avec William, un autre pensionnaire. Toute la structure scénaristique, solide, permet de découvrir ce lieu d’enfermement devenant presque paradisiaque, où l’amour permet d’occulter les difficiles conditions de vie. Avec autant d’intelligence que d’originalité, Le Paradis se compose de deux parties, fortes et émouvantes, dans lesquelles le cinéaste démontre une capacité à évoquer les rudesses et les tensions palpables, puis une relation soudaine allant quasiment au-delà de la règlementation. Le premier segment, rappelant le style de Maurice Pialat, explore les prémices d’une marginalité, introduit une galerie de personnages en quête de solutions et d’espoir. Cette dernière notion imprègne d’ailleurs ce film, avec comme symbole la fusion passionnelle de deux âmes. 

Zeno Graton nous emmène dans un paradis entre quatre murs, dans des chambres aux faux airs de cellules, une prison qu’il s’évertue à changer, à rendre plus douce, moins violente. Ce Paradis, qui n’en est bien sûr pas un, pénètre l’intimité des deux personnages, pris dans un tourbillon amoureux. La mise en scène, simple, raconte la puissance, l’intensité des échanges intimes entre des êtres que tout rapproche, des esprits chahutés par la vie et se cherchant une place dans un monde qui ne les accepte pas. Grâce à sa façon de mettre en scène cette intime proximité, le cinéaste belge efface les barreaux, détruit ce mur les séparant chaque journée, filme un rapprochement inespéré comme un coin de ciel bleu dans une sombre immensité. Julien de Saint-Jean et Khalil Gharbia, excellents, déploient une immense énergie pour donner vie et âme à ces jeunes adolescents répondant à un schéma de violence et d’inadaptation. La quête d’un avenir confortable se transforme en une certaine utopie, montrant ainsi les nombreux doutes et les inquiétudes inhérentes à l’insertion sociale. Le Paradis évoque des portraits complexes, entre désir d’autonomie et délinquance. La liberté se gagne, se recherche, voici le message porté par ce long-métrage, tout en précisant également que l’amour demeure un moyen de l’obtenir. Premier essai réussi pour Zeno Graton qui, par ses choix astucieux et judicieux, met en images une passion dévorante et charnelle remplie de tendresse et d’affection, une relation incandescente qu’il filme avec beauté et magnificence. Toute la force de ce long-métrage réside dans ce duo sympathique trouvant le courage de s’aimer dans un environnement peu propice aux émois. 

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RÉALISATEUR : Zeno Graton
NATIONALITÉ : Belgique- France
GENRE :  drame
AVEC : Khalil Gharbia, Julien de Saint-Jean, Eye Haïdara
DURÉE : 1h23
DISTRIBUTEUR : Rezo Films
SORTIE LE 10 mai 2023