LE SERPENT - PHOTOS DE PLATEAU - KYIOSHI KUROSAWA - MANUEL MOUTIER - J1

La Voie du serpent : la Ronde

Ouroboros, ou bien, La Ronde. Vous savez peut-être que les variations, desquelles se rapproche le rondo, avec son refrain immuable et ses couplets divers, sont une des formes musicales que je préfère. Ça devrait marcher aussi en cinoche. Plusieurs niveaux de variation ici.

Un, La Voie du serpent est un autoremake, d’un film des nineties — je ne l’ai pas vu. Deux, c’est tourné en France, expérience que Kiyoshi Kurosawa a déjà tentée avec Le Secret de la chambre noire — ici, variation de la variation avec des personnages japonais mélangés, ou plutôt confrontés aux français, ce qui occasionne une réflexion sur le langage, ainsi que (KK is a funny man, cf. les clowneries, y compris post mortem, du personnage d’Amalric) l’éloge inattendu des Chevaliers du Zodiaque.

Le faux réalisme de cette sombre histoire de vengeance est le vecteur de ce qu’il faut bien appeler, poésie.

Trois, on retrouve certains motifs habituels. Hangars sinistres obviously, puis, une fois chaque, luminosité de la scène qui diminue soudain au passage d’un nuage, bâche en plastique qui cache une abominable révélation, habitacle de voiture qui flotte au milieu de nulle part — en illustration.

On remarque aussi des idées visuelles moins habituelles mais mémorables, comme une conversation devant une vitre, derrière laquelle des quidams sans rapport avec l’action font leurs affaires (c’était dans Creepy), ou des idées scénaristiques (kidnapping, gunfight final) et détails (chasseur en tenue) — c’était dans le récent Cloud. Quatre, notons la construction elle-même répétitive du récit — enlèvement, interrogatoire, meurtre, plusieurs fois de suite.

On peut, comme la personne chère à mon cœur qui n’a pas aimé le film, considérer que KK agence ses motifs au petit bonheur, comme un peintre abstrait jetterait sa peinture sur la toile, pour voir. Ou bien, comme votre humble serviteur, trouver que le faux réalisme de cette sombre histoire de vengeance, dont les péripéties de moins en moins crédibles se diluent dans un climat de plus en plus brechtien — c’est aussi habituel chez KK —, est le vecteur de ce qu’il faut bien appeler, poésie. À ce titre, les plans sur l’aspirateur autonome — un cercle aussi lisse que rempli de saletés, et qui va au hasard — sont évocateurs. L’aspirateur sera-t-il amené à devenir un motif habituel dans le futur, KK seul le sait.

3.5

RÉALISATEUR : Kiyoshi Kurosawa 
NATIONALITÉ :  française, japonaise 
GENRE : policier
AVEC : Damien Bonnard, Mathieu Amalric, Kô Shibasaki, Grégoire Colin, Vimala Pons 
DURÉE : 1h52 
DISTRIBUTEUR : Art House 
SORTIE LE 3 septembre 2025