LA MAIN (Talk to Me) Fimm d'horeur de Danny Philippou, Michael Philippou Produit par A24

La Main : la relève du cinéma de genre australien

Produit par A24, société à laquelle l’on doit notamment le brillant Midsommar de Ari Aster, La Main de Michael et Danny Philippou s’impose comme une bonne surprise du cinéma de genre, alors que les productions horrifiques américaines insipides et insignifiantes, comme La Proie du diable, L’Emprise du démon ou même Scream IV, se sont multipliées ces derniers temps, sans parler du navrant La Nonne. Loin des produits formatés, les frères cinéastes produisent un film renouvelant le cinéma d’horreur, sans une avalanche de scènes gore. Le duo prometteur livre un résultat efficace et surtout référencé, une originalité que les œuvres provenant d’outre-Atlantique ne contiennent guère.

Mia et ses amis s’adonnent à des soirées spiritisme, pour se faire peur et se procurer une dose d’adrénaline. La règle consiste à tenir une main pendant quatre-vingt-dix secondes. Si quelqu’un enfreint celle-ci, cela ouvrira un passage pour laisser rentrer les esprits.

Nous le savons depuis longtemps, l’Australie a toujours été un vivier important pour le cinéma de genre, ce pays qui a vu naître l’Ozploitation, mouvement cinématographique d’épouvante ayant permis l’existence de films comme Next of kin ou Long Weekend, et revivifié par Jennifer Kent et son Mister Babadook. Les deux frères ont d’ailleurs collaboré avec cette cinéaste pour The Nightingale.

Difficile de ne pas constater l’influence de la réalisatrice sur le travail de Michael et Danny Philippou, alors qu’il est aussi question dans La Main du thème de la maternité, la filiation, ainsi que la présence de diverses peurs liées à la mort et d’une force voulant contrôler les esprits. Le binôme préfère également inclure de la psychologie dans ce récit, et non pas miser sur une surenchère indigeste de violence gore. Ainsi, sous une intrigue horrifique, le scénario propose une virée dans l’esprit de Mia, jeune femme perturbée par la mort mystérieuse de sa mère, se retrouvant face à des vérités blessantes sur ce passé douloureux. En réalité, La Main devient un film sur la possession, thème bien récurrent dans ce style de cinéma, une emprise symbolisée par cette main servant d’objet pour le spiritisme, un moyen de connexion avec un univers paranormal. Contrairement à d’autres longs-métrages comme L’Emprise de Sydney J.Furie ou même L’Exorciste, nous ne sommes plus dans un schéma de domination diabolique classique, mais dans un récit introspectif où les esprits deviennent les messagers bienveillants, un passage vers la connaissance pour cette Mia dominée par une entité la guidant vers un sentiment de vengeance. En s’éloignant des canevas standard de ce type d’histoire, vus et revus, les Philippou choisissent de dépoussiérer complètement le sujet de l’emprise, en s’éloignant des codes de ce cinéma, en réalisant un film d’horreur adulte, psychologique, nettement plus travaillé et profond que la plupart des productions récentes. À l’heure où James Wan et Jason Blum optent pour des œuvres commerciales et sans surprises, bien sûr que les Australiens font preuve d’originalité, marque de fabrique de la société A24 dont le catalogue s’étoffe de plus en plus. Alors que les différents Saw, Conjuring, ou Paranormal Activity représentent de plus en plus le néant, La Main jette un pavé dans la mare, remuant fortement un filon s’essoufflant au fil des années.

S’inspirant de Wes Craven et du premier Scream, cette production met en scène un groupe d’étudiants, un petit clin d’œil aux slashers des années 1980.

La Main montre effectivement ces jeunes, aimant les soirées, passant leur temps à pratiquer ces séances particulières de spiritisme, n’hésitant pas à faire face à tous ces esprits qu’ils vont malencontreusement faire rentrer. En cela, l’ensemble recycle légèrement quelques poncifs, mais remet au goût du jour ce qu’a réussi à populariser Wes Craven en 1996, en y incluant une touche plus mature, même si le public est a priori adolescent. Le duo mélange les codes principaux du slasher tout en modernisant le sujet de la possession, comme l’a fait récemment Smile. La Main devient le fruit de multiples références, tout en permettant aux Philippou de livrer une œuvre plus profonde qu’il n’y paraît, avec un scénario intelligent. Celui-ci choisit d’innover, avec des personnages à la psychologie fouillée, jouant constamment sur ces modifications de la perception, son lot d’hallucinations et d’apparitions fantomatiques. Comme le film de Parker Finn, sorti en 2022, il s’agit plutôt d’illusion, de distorsion du réel, de contrôle du corps et du cerveau, le sourire maléfique cette fois-ci remplacé par les yeux d’une Mia possédée par cette main jouant une fonction de lien entre les vivants et les morts. Se démarquant notablement par sa mise en scène et son efficacité, ce récit démarre sous de bons auspices, montrant cette bande excitée à l’idée de toucher cette main, – un rappel incessant au slasher où les jeunes tiennent toujours les rôles de victimes potentielles -, puis bascule vers une horreur plus diffuse et suggérée, avec une dernière partie révélant des messages dramatiques laissant poindre une réflexion sur le deuil, la gestion de l’absence, d’une mort incomprise. C’est sans doute de cela dont il est plus question ici, de ce rapport à la mort, présente dans de nombreux passages, de différentes façons, qu’elle soit humaine ou animale, mais matérialisant à chaque fois les doutes et les incertitudes du personnage incarné par Sophie Wylde, plus précisément les tourments d’une fille fragilisée par le décès d’une mère, cette maman qui est aussi une protagoniste de l’histoire. À l’inverse de Mister Babadook, La Main se transforme en créature guidant les vivants dans leur processus de reconstruction, une bienveillance notable aidant Mia à comprendre son passé. Toutefois, les cinéastes évoquent en filigrane la vengeance et non un esprit frappeur, dévoilant au passage les sombres recoins d’une histoire familiale. L’intrigue paraît simpliste, les scénaristes écrivent un récit devenant par moments confus, mais comprenant un fond intéressant que l’on trouve désormais très peu maintenant dans ces films-là.

 

3.5

RÉALISATEUR : Danny et Michael Philippou
NATIONALITÉ :  Australie
GENRE : Horreur
AVEC : Sophie Wylde, Alexandra Jensen, Miranda Otto
DURÉE : 1 h 35
DISTRIBUTEUR : SND
SORTIE LE 26 juillet 2023