La Fille d’Albino Rodrigue : une absence, un mystère

Surtout connue pour son activité de scénariste (La Chose publique de Mathieu Amalric, Vif-argent de Stéphane Batut), Christine Dory revient à la réalisation, quinze ans après Les Inséparables. Dans La Fille d’Albino Rodrigue, celle-ci emmène Galatéa Bellugi dans un mystère familial saupoudré de polar. La jeune actrice, également à l’affiche de Chien de la casse, s’impose totalement, dans une distribution comprenant aussi Émilie Dequenne, Samir Guesmi et Romane Bohringer. Malgré le talent de celle qui fut révélée grâce à Xavier Giannoli et L’Apparition, ce film ne décolle que très peu, avec un récit ronronnant, mêlant non-dits, mensonges et un scénario bien trop prévisible. Présenté au dernier Festival du film policier de Reims 2023, cette enquête autour d’un père absent laisse pantois, de marbre. Dans cette œuvre censée être mystérieuse, les contours d’un polar ne se dessinent guère. Seules les prestations éclatantes d’interprètes de qualité permettent de donner une légère épaisseur à un maigre contenu.

En partant en vacances chez sa mère biologique, Rosemay s’étonne que son père ne l’accueille pas. Inquiète, elle décide d’en savoir plus. Ceci va entrainer l’explosion d’une famille.

En découvrant cette distribution haut de gamme et un synopsis assez attrayant, La Fille d’Albino Rodrigue partait avec un certain avantage, celui de proposer une histoire aux allures de roman policier, ténébreux, nous embarquant dans un sombre et épais brouillard familial, sur fond de meurtre et d’incommunicabilité.

Au lieu de cela, ce qui se dévoile reste ni plus ni moins qu’une énième description d’un système parental déséquilibré, avec une Rosemay (Galatea Bellugi) placée dans une famille d’accueil, et en lutte contre une figure maternelle consternante et imbue d’elle-même. Cette évocation brute de ce précaire équilibre laisse entrevoir un schéma éclaté par des relations aussi destructrices que malaisantes, entre cette mère indigne et cette jeune fille attachée à la présence paternelle, ce père dont elle remarque immédiatement l’absence et qu’elle va rechercher de toutes ses forces. En s’inquiétant de cette disparition, l’adolescente déterre des secrets enfouis. Christine Dory se lance dans une enquête à première vue intéressante, mais bien fastidieuse, sur la piste d’un père fantomatique, exposant toutefois la belle nature de cette proximité avec ce paternel dont on ne connait que le nom, Albino Rodrigue, et qui devient ainsi un personnage. Tout de même émouvante, cette recherche d’une fille désespérée, mettant tout en œuvre pour revoir ce visage familier, expose les failles et les fêlures de tous les enfants adoptés en quête d’identité et d’environnements stables, ce qui constitue l’élément le plus notable dans un film finissant par tourner en rond, la faute à un scénario imprécis, partant dans toutes les directions, offrant nombre de rebondissements prévisibles. La réalisatrice expose sa conception de l’adoption, la place de l’enfant dans un contexte instable, sans trop de repères sentimentaux, et ce père si désiré par une fille de 17 ans à l’avenir flou souhaitant se construire une existence avec de forts liens familiaux.

Si La Fille d’Albino Rodrigue contenait une matière suffisante pour devenir un bon polar, sa structure chancelante déçoit quelque peu, le scénario dévoilant trop rapidement la tournure finale que va prendre ce film. Entre révélations abruptes et indices maladroitement égrenés, l’enquête vainement fabriquée par Christine Dory tourne inévitablement au vinaigre, ne suscite ni l’effroi ni la sensation de regarder un long-métrage satisfaisant. Au contraire, l’ensemble brille par son manque de substance, avec une ambiance confuse de polar, une atmosphère absente, ressemblant plus à celle d’un drame social, même si la présence d’un pistolet peut faire parler la poudre, dans un film plus psychologique qu’intriguant. Émilie Dequenne campe une mère acariâtre, un personnage hautement antipathique, potentiellement intéressant dans une atmosphère déjà fragile, cristallisant tous les problèmes familiaux, déclencheur d’un mal-être chez sa fille, interprétée par l’impeccable Galatéa Bellugi, excellente dans cette composition de taiseuse sensible et déterminée à se protéger et à s’éloigner des possibles influences néfastes. Ce duel, même si peu développé, reste l’unique point fort de La Fille d’Albino Rodrigue, cependant décrédibilisé par une fin maladroite, mais apportant un éclairage sur les échanges intra-familiaux et l’image souvent autoritaire et néfaste d’une mère.

1.5

RÉALISATEUR :   Christine Dory
NATIONALITÉ : France
GENRE :  Drame
AVEC : Galatéa Bellugi, Emilie Dequenne, Samir Guesmi, Romane Bohringer
DURÉE : 1h30
DISTRIBUTEUR : ARP Sélection
SORTIE LE 10 mai 2023