Galerie de salauds. Reconstitution de la conférence de Wannsee, sérieuse et précise, qui va bien au-delà de son programme pédagogique — déjà tout ce qu’il y a de louable —, grâce à sa grande qualité d’incarnation. Les acteurs, en plus d’être très bons, se sont fait la tête de ceux qu’ils portraiturent, ce qui facilite la tâche lorsqu’on cherche ensuite à se documenter sur les différentes catégories de salauds. Il y en a trois, rangées selon le plan de table préparé à l’avance. À droite, Schöngarth et Lange, brutes sanguinaires commandant sur le terrain les tueries des Einsatzgruppen, qui en Pologne, qui en Lettonie. Estland, judenfrei, se congratulent-ils en exhibant la carte dessinée par leur homologue Stahlecker à partir des données du rapport Jäger. Je parle de sérieux et de précision, les spécialistes pointeront peut-être ici un anachronisme de quelques jours. À gauche, les ministériels, au chaud dans leurs bureaux et soucieux de préserver leurs prérogatives — en illustration, de gauche à droite, Klopfer, Kritzinger, Stuckart, Luther, Neumann, Freisler. Parmi les deux espèces précédentes, brutes/bureaucrates, nombreux sont ceux qui s’enorgueillissent du titre de Doktor. En face, présidant l’assemblée, l’infâme HHhH, secondé par Müller, chef de la Gestapo, et son adjoint Eichmann. Tout ira comme sur des roulettes, et la conférence sera pliée en deux heures, car tout le monde est d’accord pour exterminer tous les Juifs — les seules réserves émises par quelques inquiets concernent les troubles à l’ordre public éventuels, et l’inconfort susceptible d’être généré parmi le peuple allemand en général, et les exécutants des assassinats en particulier. Eichmann rassure ses interlocuteurs en évoquant certaines installations autour d’une localité nommée Auschwitz.
Vous savez que j’aime les remakes, je me suis renseigné, il existe deux autres (télé)films sur la chose, un allemand des années 80, et un anglais des 00s, avec Branagh en Heydrich. Ce qui peut faire un peu peur, mais moins que cette Conférence, dont la mise en scène faussement plate devient terrifiante, lorsque l’alternance de champs-contrechamps supposément monotones débouche soudain sur une succession de gros plans de visages. Je ne sais pas si ça passe encore — je l’ai vu un peu par hasard, à une séance de ciné-club lors d’une récente villégiature —, ni si vous avez envie de voir ça, mais c’est un bon film.
RÉALISATEUR : Matti Geschonneck NATIONALITÉ : allemande GENRE : drame, historique AVEC : Philipp Hochmair, Johannes Allmayer, Maximilian Brückner DURÉE : 1h48 DISTRIBUTEUR : Condor Distribution SORTIE LE 19 avril 2023