Présenté à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2023, ce vibrant plaidoyer pour les libertés et les droits des femmes, réalisé par Amjad Al Rasheed, restera probablement parmi les meilleures sensations cinématographiques de cette quinzaine. Stupéfiante de maîtrise et d’excellence scénaristique, cette œuvre poignante rappelle tristement l’état consternant de la place de la femme dans la société jordanienne, réduite à si peu de choses, bénéficiant d’une infime capacité d’action et de pensée. Inchallah un fils, avec son rythme haletant, propose un angle de vue direct, une fenêtre ouverte vers l’indicible, l’inacceptable domination patriarcale. En proposant un sujet aussi osé, le réalisateur développe un point de vue partial, rebattant les cartes d’un schéma dominé par une masculinité envahissante, jugée privilégiée, régissant tout, plaçant la gent féminine dans une position plus qu’inférieure, de soumission. Cette femme affiche son courage face à l’absurdité des hommes. Ce que raconte Inchallah un fils doit bénéficier d’une exposition médiatique importante, et le film auréolé d’un succès incontestable.
En plus de pleurer son mari décédé, Nawel doit lutter pour régler sa succession. Le frère de son défunt époux veut la déposséder.
Nombreux sont les films traitant de cette problématique épineuse, difficile à montrer sans provoquer. Joyland, de Saim Sadik, ou Les Nuits de Masshad, de Ali Abbasi, pour ne citer qu’eux, ont ouvert la voie à cette réflexion suivante, celle de redéfinir ou d’imaginer une pyramide sociale incluant les femmes, dans une situation digne et respectée de tous.
Amjad Al Rasheed se permet d’apporter une très intéressante contribution à cette vague de films protestataires et dénonciateurs. Le cinéaste, dont le talent émerge déjà, produit, dès sa première expérience derrière la caméra, une œuvre fournie, complète, se démarquant notablement par sa mise en scène, et son choix de parler d’une femme combattante se soulevant contre les règles oppressantes dictées par une prétendue supériorité masculine. Nawal, femme en deuil suite à la perte de son mari, se retrouve seul pour élever sa petite fille, avec son maigre revenu d’infirmière. De suite, elle va se retrouver prise au piège face à un oncle jouissant abusivement de son pouvoir sur les droits de succession. La jeune mère, piétinée par les attaques et ne possédant que peu d’influence, doit subir les lois de cet homme profitant allégrement d’un moment de faiblesse. L’écriture, excellente, axe principalement son propos sur ce rapport entre sexes déséquilibré, l’importance d’une société patriarcale ou l’homme décide, impose, règne face à des femmes réduites au silence. De suite, le cinéaste jordanien livre une histoire impeccable, avec cet assujettissement régnant en maîtrise sur les structures familiales, ainsi que la privation du droit à la parole, ce pouvoir fondamental brillant ici par sa consternante absence. Inchallah un fils résume concrètement les manquements de cette société, laissant entrevoir les quelques souhaitables progrès à réaliser, mais sévèrement compromis par les castes dirigeantes. Face à l’imposante pression de ses compatriotes, Nawal choisit entre résignation et révolte, le scénario insistant sur l’oppressante présence de cet oncle prêt à détruire un équilibre familial, quitte à écraser cette pauvre femme déjà éprouvée par le chagrin. Le film démontre cette lourde adversité, cette opposition fortement contrastée où la main de l’homme étrangle progressivement les ardeurs ou possibles velléités défensives. En décrivant ce cadre tourmenté, Amjad Al Rasheed dénonce ces faits, ce panorama inquiétant, tout en livrant un magnifique portrait de femme luttant pour sa survie, ses droits et également son autonomie, une notion évoquée dans ce film, faisant l’objet d’impossibles fantasmes chez les femmes musulmanes.
À part ce net contraste, Inchallah un fils se plait aussi à vouloir rebâtir un nouveau pays, avec de nouvelles règles, d’autres pensées, évoluer vers une restructuration positive. À travers le personnage de Nawel, se cache le visage de milliers de femmes arabes, voulant renverser les codes. Combattante, valeureuse, insoumise, affirmée, cette femme bien seule pour s’opposer représente fièrement toute cette partie de la population, dont les rêves les plus profonds seraient d’obtenir une reconnaissance et une indépendance. Tel un thriller avec une bonne couche de suspens, le récit continue parfaitement son déroulement, les moindres rebondissements tenant en haleine, avec une Nawel héroïne dont on ne peut que louer son intention de déstabiliser ce triste modèle patriarcal. Femme des temps modernes, elle incarne ainsi l’avenir des sociétés arabes, prises dans un élan de modernisation. Film pour ces survivantes du quotidien, militant pour l’acquisition des droits les plus essentiels, comme l’avortement, il se pose en témoignage touchant, celui de Nawel, ceux de toutes ces habitantes du monde arabe, un plaidoyer pour plus de justice, de lois équitables.
RÉALISATEUR : Amjad Al Rasheed NATIONALITÉ : Jordanie GENRE : Drame AVEC : Mouna Hawa, Hitham Omari DURÉE : 1h53 DISTRIBUTEUR : Pyramide Distribution SORTIE LE 6 mars 2024