Happyend : une jeunesse à la croisée des chemins face à une société coercitive

Ce film, première oeuvre de fiction de Neo Sora, fils de Ryuchi Sakamoto, à qui il a consacré Ryuchi Sakamato Opus, a tout d’abord été présenté à la Mostra de Venise avant de faire le tour des festivals. Nous sommes à Tokyo, dans un futur proche. Une bande de lycéens de la même classe, tous en dernière année, cherchent à s’introduire dans une boîte de nuit techno mais se voient refoulés à l’entrée. En effet, ils sont fans de cette musique et parmi eux, Yuta et Kou, amis inséparables depuis la maternelle, espèrent même en faire leur métier. En attendant, ils font partie du club artistique de leur établissement qui leur prête le matériel adéquat pour assouvir leur passion. Chassés de la boîte de nuit par la police, ils prennent le parti de s’en retourner au lycée pour accéder à leur salle malgré la surveillance du gardien qu’ils parviennent à déjouer. Ils décident alors de jouer un mauvais tour au proviseur du lycée en dressant sa voiture gardée au parking à la verticale.

Dans le même temps, prétextant d’un séisme de grande amplitude à venir, le gouvernement prend la décision d’instaurer l’état d’urgence dans tout le pays. Une partie de la population s’insurge contre cette décision et manifeste dans les rues malgré la répression. Quant à lui, en réaction à ce qui lui est arrivé, le proviseur fait instaurer un système de surveillance sous le contrôle d’une IA. Les élèves sont scrutés en permanence et punis de points de pénalité pour la moindre vétille: un baiser amoureux, une tenue vestimentaire non-conforme, un élève qui fume une cigarette, etc. Face à cette situation, les jeunes adolescents pestent et se réunissent régulièrement pour parler de tout cela et plus généralement de ce qui se passe dans le pays. Des rondes de citoyen sont même organisées pour assurer la sécurité des rues. La population semble en proie à la panique. Et c’est ce mécanisme répressif et sécuritaire que le film cherche à explorer en même temps que la capacité à se regrouper et à s’unir pour y faire face.

C’est ce mécanisme répressif et sécuritaire que le film cherche à explorer en même temps que la capacité à se regrouper et à s’unir pour y faire face.

Dans cette perspective, les deux jeunes amis adoptent une attitude radicalement différente. Yuta est un chien fou qui ne pense qu’à la musique et à s’amuser; la techno et ses amis, voilà tout ce qui l’intéresse, le reste lui semblant indifférent et étranger. Il ne voit pas l’intérêt de s’engager politiquement au contraire de Kou. Il faut dire que ce dernier est d’origine coréenne et qu’il est directement impacté par la manière qu’ont la police et le gouvernement de traiter les étrangers. En effet, il fait l’objet de remarques à tendance raciste de la part d’un policier et du proviseur lui-même. Et le rideau d’entrée de la gargote que tient sa mère est tagué d’une inscription xénophobe. Ainsi, le film renvoie à une réalité malheureusement bien présente au Japon dont une grande partie de la population éprouve des sentiments haineux à l’encontre des étrangers. Il tourne donc autour du couple d’opposés que représentent les deux jeunes garçons liés par une longue amitié. Car c’est le temps de l’adolescence et par là de l’éveil aux problèmes sérieux de la politique. On peut dire que Yuta reste un grand enfant tandis que Kou prend conscience de la réalité qui l’environne et parfois le dépasse.

Leurs sentiments sont d’autant plus denses qu’ils passent leur dernière année ensemble avant de se séparer pour prétendre à des horizons différents. L’un d’entre eux a déjà décidé de rejoindre les Etats-Unis pour poursuivre ses études et quittera donc la petite bande. La question se pose – et reste en suspens – de savoir ce qu’ils deviendront tous plus tard et si leur amitié se maintiendra au fil des années. On se demande aussi ce que l’avenir leur réserve au vu d’un présent quelque peu sombre. On suit le groupe des jeunes gens arrivés à un âge particulièrement critique où leur destin doit basculer et leur vision du monde changer irrémédiablement pour le meilleur ou pour le pire. Et l’on ressent cette ambiance de crépuscule qui hante le film au ton à la fois enjoué et mélancolique. En bien des points, le film fait écho à la réalité actuelle de nos sociétés gangrenées par une politique de droite sécuritaire, anti-immigrationniste et fondamentalement répressive. En ce sens-là, le futur qu’il nous propose n’est effectivement pas si éloigné de nous qu’on pourrait le penser.

RÉALISATEUR : Neo Sora
NATIONALITÉ : Japon, Etats-Unis
GENRE : Drame
AVEC : Hayato Kurihara, Yukito Hidaka, Shirô Sano
DURÉE : 1h53
DISTRIBUTEUR : Eurozoom
SORTIE LE 1er octobre 2025