Le renouveau du cinéma d’horreur paraît se poursuivre. Après l’année dernière, les sorties de MaXXXine, Terrifier 3, Smile 2, The Substance et Nosferatu, New Line Cinéma, filiale de Warner Bros, se remet également dans la partie. Pourtant, même s’il comporte quelques éléments horrifiques, gore et sanglants, Companion vient bien davantage lorgner du côté du thriller psychologique et de la science-fiction que de l’horreur pure. Produit par Zach Cregger, metteur en scène de Barbarian (pour le coup, un véritable film d’horreur), Companion est le premier film de Drew Hancock, mélange instable mais intéressant entre comédie romantique, thriller psychologique et parabole de science-fiction. Il est surtout l’occasion de revenir sous forme métaphorique sur l’exploitation des femmes et la lutte contre la masculinité toxique.
Josh et Iris semblent incarner le couple parfait. Mais lors d’un week-end entre amis qui vire au drame, un secret bien gardé fait tout basculer…
Companion s’avère plus fructueux par les réflexions qu’il peut engendrer que par le divertissement qu’il est censé proposer.
A moins de ne pas avoir regardé la bande-annonce du film et de ne pas vouloir comprendre son titre assez explicite, il est difficile d’ignorer que le film, sous couvert de comédie romantique doucereuse pendant sa première demi-heure, masque sans véritablement le cacher une histoire de science-fiction sur le développement de l’intelligence artificielle sous forme d’androïdes, appelés pudiquement ici des « robots de soutien émotionnel », en fait des esclaves sexuels. La thématique est intéressante, même si elle n’est pas forcément neuve, cf. Westworld ou Blade Runner. Cependant elle bénéficie d’une remise au goût du jour, en raison des ahurissants progrès récents de l’intelligence artificielle.
En fait, le spoil ou divulgachage éventuel est évidemment voulu par l’auteur et intégré d’avance dans la narration, cf. cette phrase d’introduction qui révèle la fin du film : « Les deux jours les plus heureux de ma vie ? Celui où j’ai rencontré Josh et celui où je l’ai tué. » La comédie romantique est bien trop artificielle sans jeu de mots, et trop faussement innocente, pour ne pas cacher un fond insondable de perversité. Aussi, ne sommes-nous pas trop surpris, après quelques comportements bizarres et autres répliques à double sens, que Iris, la parfaite compagne, parfaite, trop parfaite, n’est autre qu’un robot d’accompagnement. Cependant, comme elle assure la narration en voix off, elle est quasiment la seule à ne pas le savoir, ce qui va donner lieu à des interrogations sur sa réelle humanité, cf. la série Real humans ou Her, le merveilleux film de Spike Jonze.
Car Companion, à travers son intrigue de SF, représente un bon prétexte pour évoquer l’exploitation des femmes à travers celle des robots. Jusqu’à une époque récente, disons jusqu’aux années 70, le lot commun des destins féminins, hormis quelques glorieuses exceptions, ne se différenciait pas tellement des robots de soutien émotionnel, tant la domination patriarcale s’avérait écrasante. Companion nous propose donc d’opter pour un renversement total de perspectives, de prendre le parti des robots, des femmes, des minorités, un peu comme dans Avatar, James Cameron nous demandait de soutenir les Na’Vis contre les hommes, ou de la même façon, Kevin Costner, dans Danse avec les loups, de choisir les Indiens contre les Américains blancs.
Pourtant, si le message idéologique de Companion s’avère assez imparable, la forme ne se montre pas à la hauteur du fond qui paraissait fort prometteur. Production assez cheap, Companion ressemble presque à un épisode de série télévisée (on pense souvent à Black Mirror, en paradoxalement moins bien). Si Sophie Thatcher s’impose à nouveau comme une jeune première incontournable du film de genre (Heretic, MaXXXine), en robot ignorante de sa condition, le reste de la distribution marque nettement moins les esprits. L’humour qui pourrait servir de soupape de sécurité est malheureusement utilisé à contre-temps. De plus, le dénouement, prévisible de longue date et déjà annoncé dès le début, n’apporte aucune surprise fondamentale, alors qu’il y a déjà eu deux ou trois twists tout au long du film. En fin de compte, Companion s’avère plus fructueux par les réflexions qu’il peut engendrer que par le divertissement qu’il est censé proposer.
RÉALISATEUR : Drew Hancock NATIONALITÉ : américaine GENRE : thriller psychologique, science-fiction AVEC : Sophie Thatcher, Jack Quaid, Lukas Gage DURÉE : 1h37 DISTRIBUTEUR : Warner Bros Pictures SORTIE LE 29 janvier 2025